DE LA CORSE À L'ANDALOUSIE JOSEPH ANTOINE LIMPERANI ALFREDO ORTEGA Mes remerciements à Mlle Juliette Nunez INTRODUCTIONEn janvier 1848, la troisième carrière
de J.A. Limperani, né à Penta di Casinca le 22 juillet
1798, est encore dans sa phase ascendante. Rappelons quelques faits
connus. Après les Trois glorieuses (27, 28, 29 juillet 1830), l'influence des Sebastiani, qui avait décliné pendant la Restauration au profit des Pozzo di Borgo, revient sous Louis Philippet. Dans leur mouvance, Joseph, neveu d'Horace Sébastiani par son mariage avec Fanny, fille d'Angelo, qui est depuis le 20 septembre 1830 Conseiller à la Cour Royale de Bastia, entame une deuxième carrière, politique celle-ci. Elu le 12 octobre 1831 Député du 2ème collège de la Corse (Bastia) par 99 voix sur 101 votants, il est réélu le 5 juillet 1834 par 101 voix sur 103 votants. Il n'obtient pas le renouvellement de son mandat en 1837 mais l'année suivante, Horace Sébastiani, ayant été élu en même temps à Ajaccio et à Bastia, renonce à cette dernière circonscription au profit de Limperani, qui est élu aux élections du 13 juin 1838. Une protestation de son abversaire Arrighi annexé au Procès Verbal est examinée par la Chambre des Députés dans sa séance du 20 décembre : avec l'appui de De Montalivet, Ministre de l'Intérieur, elles est rejetée par la majorité, dans les rangs de laquelle siégeait l'intéressé. Mais aux élections suivantes (6 mars 1839), sous la pression du clan adverse, Limperani n'est élu que par 98 voix contre 52 à son adversaire M. Mottet (1). Il entame donc une troisième carrière dans le Corps Consulaire où il est nommé par la filière politique (2) le 8 juin 1842, Consul de seconde classe à Civitavecchia, dans les Etats Pontificaux (d'où il ramène les reliques vénérées à San Pancraziu de Casinca), et le 19 octobre 1845 Consul à Venise, alors sous l'Autriche, où il est promu à la première classe par Ordonnance du Roi le 8 août 1847 (3). Parallèlement Horace Sébastiani avait été, comme on le sait, Ministre de la Marine, des Affaires Etrangères, Ambassadeur à Naples et à Londres, et nommé Maréchal de France en 1840. La Révolution de février 48 vient briser
l'élan du clan Sébastiani. Horace, usé par l'âge
et la tragédie familiale, se retire de la vie publique à
73 ans et meurt en 1851, la même année où le Lieutenant
Général Tiburce, son frère, prend sa retraite
pour rentrer dans ses terres d'Olmeta di Tuda. Pour celle-ci, tout ce passe désormais comme si l'influence de leurs amis était suffisante pour en empêcher l'éviction, mais pas assez pour favoriser leur promotion : Joseph Antoine, mis à pied par la révocation générale de février 48, ne se voit plus offrir pendant les dix années suivantes que deux postes de catégorie inférieure, à Gibraltar et Cadix. Mathieu (né le 26 août (neveu de Joseph par son frère Basile) Commandeur de la Légion d'Honneur, malgré 35 ans au service des Consulats (Alexandrie, Belgrade, Santiago du Chili, Palerme, Gênes et Naples) où il avait commencé comme Elève-Consul, ne se voit jamais offrir une Ambassade et, s'il est nommé Ministre Plénipotentiaire de 2ème classe par Décret du 8 août 1879 du Président Jules Grévy à la fin de sa carrière, c'est pour mieux l'en faire sortir (4). La vindicte du Quai à son égard s'exprime encore trois ans après sa retraite, de façon d'ailleurs assez mesquine (5). Quant au fils de ce dernier, Mathieu, Louis, Marie, dit Fernand (petit-neveu donc de Joseph et son beau-fils, de surcroît) bien que " plus jeune Sous-Préfet de France " et malgré de nombreuses recommandations, il ne se voit offrir, en août 82, qu'un poste de Vice-Consul de seconde classe à San José de Costa Rica. Après plusieurs tentatives infructueuses pour revenir de son éloignement (6), il demande finalement sa mise en disponibilité le 13 février 1885 et démissionne le 28 novembre de la même année (7) pour se consacrer aux affaires familiales et, incidemment, à la carrière politique de son beau-frère Léonard, fils de Joseph. Mais revenons à Joseph qui, aussitôt mis en disponibilité, s'active à retrouver son poste avec toute la souplesse que le Quai exige de ses Agents. Dès février, le Chef des Gardes nationales du Département de la Seine A. Degousées (qu'il avait fréquenté à l'occasion de travaux effectués à Venise) intervient en sa faveur auprès de Bastide, Ministre des Affaires Etrangères. Le 28 du même mois, Limperani offre ses services à son Ministre pour une mission en Italie, soulignant les " relations qu'il a dans la Péninsule " et " l'influence qu'il pourrait y exercer " ; il signale qu'il a été l'un des fondateurs de la Société des Carbonari en France, dont il avait traduit les statuts italiens ; il en aurait été l'un des dirigeant, avec Guinard, Bulchy et Flohatel (8). Quant à son activité comme parlementaire, il a " toujours voté avec la plus complète indépendance " et ses opinions politiques étaient " tellement connues que, nommé à Venise, l'Autriche avait tardé à donner son exequatur ". En mars, la démission du Chancelier à Venise, Gabriel, dans des circonstances inexpliquées (9), est le prétexte à une nouvelle demande en ce sens. Les arguments utilisés vont de la nécessité de protéger les sociétés françaises et d'informer sur une situation internationale tendue avec les autrichiens (sans oublier que Venise est le lieu de séjour du Duc de Bordeaux et de la Duchesse de Berry), à la nécessité d'une présence au Consulat alors que les caisses de celui-ci renferment une somme de 5.000 à 6.000 francs, et que les meubles et l'argenterie personnels du Consul peuvent être évalués à un chiffre entre 20.000 et 30.000 francs. Le 18 mars 1848, Limperani est enfin " autorisé à retourner à (son) poste ", mais ceci n'est que provisoire, car le 29 du mois suivant son Ministère l'informe que " M. Vasseur a été nommé Consul de la République à Venise " et qu'il a été, lui, " admis au traitement d'inactivité " (10). Ce n'est que le 12 juillet de la même année que Limperani est finalement réintégré dans la cadre d'activité, mais au Consulat de Gibraltar, poste d'une catégorie inférieure, et le Ministère lui souligne " tout ce qu'a pour (lui) d'avantageux cette disposition ". Par la suite, malgré ses démarches après
le changement de régime (11) il ne parvient pas à obtenir
un poste plus important et doit finalement, pour échapper à
la claustrophobie typique du Rocher, demander Cadix (12) où
il est nommé par décret du 26 avril 1855, en permutant
avec Fréderic Gauthier.
Situation à son arrivée à GibraltarRappelons les événements qui avaient
motivé, un siècle et demi avant, la prise de Gibraltar
par les Anglais. Le 4 août, une force anglo-hollandaise attaque la ville de Gibraltar qui, comme presque tout le reste du Royaume, avait prêté serment d'obéissance au Roi Philippe V de Bourbon dès l'an 1700. À la reddition de la ville par le Capitaine Diego de Salinas, le commandant anglais en prit possession, non pas au nom de son mandant l'Archiduc Charles d'Autriche, mais pour sa Reine Anne d'Angleterre. Cet acte de " patriotisme dénué de scrupules " - Encyclopaedia Brittanica dixit - (13) de Sir George Rooke permit ensuite aux Anglais de demander - et d'obtenir - leur " livre de chair " lors de la signature du Traité d'Utrecht qui mit fin, le 13 juillet 1713, aux hostilités anglo-espagnoles : l'article X stipulait la cession par Philippe V à la Couronne britannique de " la ville château de Gibraltar, avec son port, les fortifications et la forteresse qui lui appartiennent ". La propriété en était cédée " sans aucune juridiction territoriale, et sans aucune communication par voie terrestre avec le pays environnant " (14). Clauses violées aussitôt que signée mais, malgré quelques tentatives militaires (la ville assiégée par les Espagnols à plusieurs reprises, notamment en 1727, 1738 et 1782 (15) et diplomatiques, l'Espagne décadente ne put jamais reprendre Gibraltar. Voici donc Limperani débarquant dans la Colonie (16) non loin de Malaga, que son oncle Horace avait prise 38 ans avant, le 5 février 1810. Il y trouve une ville d'une " population civile de 15/16.000 habitants, à laquelle il convient d'ajouter la garnison ", ce qui était, ajouterons-nous, la taille d'une capitale de province moyenne espagnole (à une époque où seulement dix villes dépassaient les 50.000 âmes), sur un rocher fortifié qui constitue, avec Malte et les Iles Ioniennes l'un des trois piliers de la puissance britannique en Méditerranée. Les exportations de Grande Bretagne vers le Rocher excèdent d'ailleurs de 60% celles effectuées vers Malte, d'une population huit fois supérieure et doublent celles faites vers les Iles Ioniennes, dont la population est 14 fois celle de Gibraltar. C'est dire l'importance commerciale et maritime de la ville. Limperani est frappé par sa situation florissante, bien que le commerce ait quelque peu décliné depuis la fin de la guerre continentale car " la guerre qui est en général pour les autres places de commerce une cause de pertes et de ruines est pour Gibraltar une source de profits et de richesses " : l'importance des échanges commerciaux est telle qu'il " serait difficile de citer dans l'histoire une ville qui, avec la même population, ait présenté le même phénomène ". La situation financière est saine : les " impôts sur les maisons et les taxes indirectes " couvrent largement les dépenses civiles (le coût de la présence militaire étant directement à la charge de Londres). C'est d'ailleurs surprenant de tirer d'un territoire ne comportant que " des fortifications, des maisons et quelques jardins, sans aucune industrie et où la douane et l'octroi sont inconnus ", et, de surcroît , d'une faible population, des recettes annuelles d'environ 50.000 £ (environ 19 millions de F 1996) (17) qui excèdent largement les dépenses d'un montant de 30.000 £ (environ 11,5 milions de F 96). Le Consul s'étonne d'ailleurs de ces dépenses civiles de 40 F par tête car " peu de villes en Europe n'en dépensent autant ", ce qui laisse supposer des " abus graves " et préoccupe les citoyens. En effet, ils n'ont voix au chapitre que sur deux postes, l'éclairage et le pavage de la ville, d'un coût de 2.000£ alors que le reste, correspondant au " traitement des employés " est du ressort de l'Administration. Limperani s'étonne que " chaque habitant paye 5 F pour la Justice, 6 F pour la Police et 5.50 F pour la faible administration ". Aussi, les habitants viennent d'élever une " pétition au Secrétaire d'Etat aux Colonies exposant leurs doléances, demandant une révision des lois sur l'impôt et la formation d'un Conseil colonial pour délibérer des recettes et des dépenses ". Mais la prédiction de Joseph (qui se réalisera tout le long du siècle suivant) est que " la situation particulière où se trouve Gibraltar " fait que les Anglais " ne permettront jamais d'y établir aucun Conseil représentatif, fût-il même de simple consultation. Les salaires (et le coût de la vie) sont en conséquence élevés : Un journalier gagne " cinq réal d'argent, soit 14,05 F " de 1850, (et donc 260 F 96, mais à comparer, ajouterons-nous, au salaires espagnols de l'époque : 2,5 à 3,5 réal pour un ouvrier agricole en Andalousie, et 4 réal pour un ouvrier industriel en Catalogne). Le Consul trouve aussi trop cher le loyer qu'il paye pour une " maison de deux étages et 14 chambres, non meublée " : 768 piastres par an (un peu moins de 8.000 F 96) (18). Voici donc le cadre dans lequel notre Corse devra exercer de 1848 à 1855 ses fonctions consulaires. A une époque où l'essentiel du commerce international s'effectue par voie maritime, la tâche primordiale d'un Consul était d'aider la marine de son pays dans l'exécution de sa mission de transport en recevant les contrats d'affrètement, dressant les procédures d'avarie dont il assure le règlement, dirigeant le sauvetage des navires et facilitant le rapatriement de l'équipage et, d'une façon générale, en exerçant le droit de police et d'inspection sur les gens de mer qui était l'apanage des commissaires de port en territoire français. Il était également chargé d'assurer les fonctions de notaire pour la passation des actes, et de magistrat quant aux litiges concernant ses nationaux entre eux. La façon dont Limperani s'est acquitté de ces tâches pendant sa mission à Gibraltar pourra être analysée en consultant aux ADMAE les dossiers de Chancellerie et la Correspondance avec le Ministère de la Marine. Elle ne fait pas partie du présent travail. Mais les Consuls étaient également chargés d'une mission d'information ou, comme l'on dirait aujourd'hui, de renseignement, au service du Gouvernement par l'entremise de leur Ministère. Ces rapports sont classés aux Archives du Quai sous deux rubriques, la Correspondance Politique des Consuls (CPC) et la Correspondance Consulaire Commerciale (CCC). La première est constituée par les rapports fréquents qu'adresse le Consul à son Ministre l'informant du passage de personnalités illustres (tant françaises qu'étrangères), des nominations ou changements officiels dans le territoire, des événements politiques qui y surviennent, avec une grande précision au sujet des navires de guerre de passage et avec une pompe particulière pour décrire la célébration de la fête Nationale au Consulat. L'Espagne du XIXème fourmille de soulèvements militaires, coups d'état (pronunciameintos), asile politique des vaincus dans les Chancelleries étrangères, qui font les délices de la CPC des Consuls de France voisins, à Cadix et à Malaga. Rien de tel dans la Correspondance Politique de Limperani, situé dans un pays tiers, dont un seul rapport a mérité d'être incorporé à la CPC générale Espagne (19). Quant à la Correspondance Consulaire Commerciale, Limperani y manifeste ses qualités dans la recherche de renseignements détaillés (20) et leur exposition méthodique et ordonnée dans le rapport annuel sur l'état de la navigation et du commerce qu'il rédige pour son Ministère. Sans entrer dans les détails (21), résumons qu'il décrit un trafic maritime intense, dont la moyenne annuelle excède les 3.500 navires (sans compter la navigation côtière - voiles latines - plus de 2.500 bateaux par an en moyenne), car non seulement le Détroit est un passage obligé, mais encore les conditions météorologiques imposent parfois aux voiliers une escale imprévue à Gibraltar. Dans ce total les bâtiments à vapeur, dont l'invention est récente, sont de plus en plus nombreux, 800 en moyenne par an, la plupart à hélice, mieux adaptés que ceux à roue pour la navigation dans l'Océan. Par pavillon, la moitié des navires est britannique, mais environ un bâtiment sur dix français, avec la même proportion pour les sardes et nord-américains. Viennent ensuite les suédois, hollandais ou portugais, avec une présence plus réduite des autres puissances maritimes (napolitains, russes, autrichiens et toscans). Le Consul de France est une figure connue dans les
milieux portuaires. Pour le commerce internationnal, le Rocher est un centre de distribution avantageux entre l'Amérique, l'Afrique et l'Europe par sa position géographique, l'absence de droits de douane, l'existence de vastes entrepôts et l'entregent de ses commerçants. Ceux-ci protègent d'ailleurs jalousement leur monopole, et Limperani, malgré ses démarches, ne parvient pas à faire admettre comme résidents des commerçants français, de la maison Altarès de Marseille notamment. Un autre français J. Allais, négociant en blés et farines, qui croyait avoir trouvé la solution en s'établissant dans la voisine La Línea et venant chaque jour travailler à Gibraltar se voit interdire le passage, et réclame auprès du Consul. La présence commerciale française est donc faible : Marc Supervieille (farines), Antoine Bonnet (soieries), Jean Bartibas et Louis Léger ne font ensemble que 2% du chiffre global. Une partie importante du commerce s'effectue sous forme de contrebande avec l'Espagne : la confuse situation politique espagnole, la proximité et l'étendue des côtes, la totale collaboration des civils gibraltariens (appuyés, il faut bien le dire, par bon nombre de " bénéficiaires " ibériques), la connivence hypocrite de Londres (22), s'ajoutant aux barrières douanières que l'Espagne impose pour défendre son industrie naissante, et son commerce avec les Colonies, font de la contrebande une activité lucrative et pour ainsi dire quotidienne. Seul tente de la limiter le Gouverneur, Général Sir Robert Gardinier, estimant qu'elle est " contraire à la probité ", qu'elle amène une " foule de gens turbulents " et qu'elle induit des désordres incompatibles avec la sécurité d'une place militaire. Le Consul, sensibilisé aux problèmes que crée la contrebande (23), décrit avec sympathie la lutte entre son ami le Gouverneur et la population civile gibraltarienne sous l'arbitrage pas toujours impartial du Colonial Office. Gardiner est partisan de négociations avec les Espagnols pour la libération des échanges et l'abaissement des tarifs : il publie des manifestes en ce sens dans les journaux locaux. Les commerçants y répondent par un pamphlet non signé, mais dont l'auteur est connu (24). Un siècle et demi après un historien
gibraltarien reproduira encore une citation traitant le Général
de " silly vain man " (25). En fait, selon la biographie
officielle (26), Sir Robert William Gardiner (1781-1864) prit une
part importante dans les campagnes de Portugal, d'Espagne (sous les
ordres de Wellesley) et de Waterloo avant d'être nommé
Gouverneur à Gibarltar, où la Reine Isabel II d'Espagne
lui conféra même la Croix de Charles III, qui aurait
pu s'ajouter à ses nombreuses décorations si la règle
du service ne l'avait empêché de la porter.
Vie publique / Vie privée. (27)Les relations de Limperani avec Gardiner, assez amicales,
sont entretenues par des invitations fréquentes au " Couvent
" pour des dîners officiels (" de vingt couverts ")
ou privés. Le Gouverneur, militaire assez rigide et inflexible
quant aux règlements, ajoute un mot de sa main " as a
friend, in a private letter " pour s'excuser lorsque ceux-ci
l'empêchent de donner satisfaction à une requête
: pour l'établissement à Gibraltar d'un certain Avenet,
commerçant français, par exemple. En une occasion Gardiner, estimant que son don au profit des " veuves des membres de l'Armée française en Crimée " avait été faible, envoie une nouvelle somme avec un mot aimable au Consul. Il demande parfois sa médiation avec les autorités espagnoles allant jusqu'au Général Narváez, Président du Gouvernement, qu'il ne peut contacter directement, pour la réglementation de la quarantaine qu'imposent de temps à autre les épidémies de peste, notamment. Après la mutation du Consul, il écrit officiellement à son Ministre Lord Cowley pour exprimer les regrets que lui cause ce départ en raison des " excellentes relations qu'il a toujours entretenues avec lui " et " rend hommage à son esprit de fermeté et de conciliation ". (28) Nous ignorons quels services demandait Limperani en
contrepartie. Dans son rang officiel de capitaine de vaisseau (30), Joseph reçoit aussi avec largesse les officiers de la Royale faisant escale à Gibarltar, " plus de deux cents navires " et il " accueille les commandants avec une cordialité dont certes il n'aurait pu suivre les inspirations (sic) avec les seuls émoluments de sa place " (31) Certains des contacts professionnels de Limperani évoluent vers des relations amicale : avec Ispragne, Consul des U.S.A., qui continue de lui écrire à Cadix et le félicite chaleureusement pour " la délivrance de Mme Limperani " ; avec Longlands Cowell, déjà cité ; avec le Vice-Consul à Algésiras, Bonnet, qui ne mangue pas de saluer Mme Limperani et Mademoiselle Marie ; avec le chef de la garnison le Capitaine Charles Stuart qui lui écrit (en français) pour lui offrir des fraises " arrivées toutes fraîches " du Ferrol ou pour se plaindre avec humour d'un navire français (32) ; avec les frères Altarès, commerçants à Marseille, qui lui rendent de menus services (33) ; avec son pâtissier favori, J.W. Frankland (34) ; et, les plus intimes, avec le fidèle Chancelier Gabriel qui, le remplaçant lors d'un congé du Consul en Corse, se permet des remarques personnelles, bien que toujours différentes (35) et attend avec impatience le plaisir de prendre à nouveau le thé avec lui au Café l'Europe. Madame Gauthier, femme du Consul de France à Cadix, propose à leur remplaçant (36) des arrangements financiers pour la reprise à Gibraltar de la " petite voiture, les chevaux et les harnais " (et l'échange de petit mobilier) dont le Limperani devaient se servir pour leurs promenades - assez limitées - au vieux châteaux maure (37) ou pour faire, après autorisation (38), la visite du pénitencier ou le tour vite fait du Rocher. Le dépôt Pitti-Ferrandi consulté aux AD2B, d'une grande richesse, ne renferme que la correspondance reçue par Joseph. Encore s'agit-il (sauf pour ses temps d'étudiant) d'un courrier tout professionnel : les quelques lettres de sa mère en " corse italianisant " (signées Pauletta), de sa première femme Fanny (" mon cher Peppo ") ou des Sébastiani (39). Souci de discrétion ou mémoire sans failles, elle ne comporte pas d'annotations marginale, de note ou de brouillon de réponse. Ses discours à la Chambre laissent entrevoir plutôt le juriste pondéré que le tribun véhément (40) ; sa correspondance avec le Quai est encore opaque quant à sa personnalité (41). Nous ne connaissons donc pas grand chose de sa vie privée à Gibraltar. Bon administrateur, comme en témoignent ses
interventions en matière de routes et de salubrité en
Corse ou sa gestion à la Société d'Agriculture,
fin juriste, ayant du savoir faire et n'oubliant pas de le faire savoir,
Joseph Antoine Limperani eût été sous le premier
Empereur un grand commis de l'Etat français, l'un des rédacteurs,
qui sait ?, du Code Napoléon. Traversant six régimes
successifs, il dût se contenter de trois carrières incomplètes.
NOTES(1) Dictionnaire des Parlementaires Français,
Robert et Cougny, 1889, et Archives Parlementaires 2ème Série,
n° 122), Débats de la séance du 2à décembre
1838, (AAN).
Sources1. Archives départementales de Haute Corse (AD2B) 2. Archives Diplomatiques du Ministère des Affaires
Etrangères (ADMAE) 2.2. Correspondance Consulaire Commerciale (CCC) 2.3. Dossiers Personnel (PERS) 3. Archives du Ministère des Finances 3. 1. Annales du Commerce Extérieur, Vols 1840 à 1860. 3. 2. Le pouvoir d'achat du franc. 4. Divers : 4. 2. Equivalent contemporary values of the pound, Note: L'équivalence des données en Francs
actuels n'aurait pas été significative sans la comparaison
des conditions économiques respectives (faite dans "Comercio
y Contrabando en Gibraltar"). Elle a donc été supprimée.
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