ANTOINE-DOMINIQUE MONTI

Discours prononcé le 6 août 1988
à Acqua nera (Cervioni)
lors de l’inauguration d’une plaque à la mémoire de

MARIA FELICE

L’aubergiste qui composa

" A CANZONA DI U TRENU "

 

Dans le cadre du centenaire de la mise en exploitation des premiers tronçons des Chemins de fer de la Corse, l’ADECEC a tenu à rendre hommage à MARIA FELICE, l’aubergiste d’Acqua Nera qui composa A CANZONA DI U TRENU (1).

En tant que président de l’association, j’ai été d’autant plus partisan de faire cette célébration que je suis fils de cheminot.

J’aurais pu naître à la maison cantonnière du PETRICCIOLU, si ma mère n’avait voulu accoucher chez sa mère.

J’ai connu, à l’âge de trois ans, la maison cantonnière d’ALGAIOLA. J’y ai mon premier souvenir. La mer étant toute proche, ma mère, entre deux trains ou deux tâches ménagères, se livrait à la pêche. M’ayant donné une ligne à surveiller, je sortis de l’eau un poisson qui devait être bien modeste, mais qui me parut un monstre marin.

Tout de suite après, j’ai connu la maison cantonnière d’ALISTRU où nous vivions bourrés de quinine (2) et sans eau potable à proximité (3). C’est le train qui, chaque matin, nous apportait l’eau. Il ralentissait devant la maisonnette et un employé balançait un baril sur un lit de fougère ou de branchages soigneusement entretenu dans le fossé qui bordait la voie ferrée.

J’ai enfin connu la maison cantonnière d’ARENA VISCUVATU. J’étais déjà grandet et fréquentais l’école de Cervioni. Lorsque, pendant les vacances, je rejoignais mes parents, ma grande et presque unique distraction était de voir passer les trains. L’été, avec l’invasion des criquets, ces trains n’avançaient que grâce à l’intervention d’une seconde locomotive qui poussait le convoi entre CASAMOZZA et FULELLI. Le soir, à la tombée de la nuit, la curiosité me poussait derrière les volets à peine entrebâillés pour voir passer le bandit Pinelli.

Voilà des souvenirs qui me rattachent à la vie du chemin de fer, à son environnement, et par conséquent à A CANZONA DI U TRENU et à MARIA FELICE.

Qui était MARIA FELICE ? Qui était cette femme qui n’a laissé comme nom d’auteur que son double prénom ? Plus d’une fois j’ai interrogé les anciens :

Personne n’a su me répondre.

Et pourtant je crois pouvoir affirmer que c’était une Marchetti. Il y a des années, j’ai lu un acte baptistaire où l’aubergiste MARIA FELICE Marchetti, servait de marraine à un enfant des Sicurani, aubergistes à E PIANE. L’auberge de MARIA FELICE et celle des Sicurani étaient distantes de trois à quatre kilomètres et des affinités, voire une amitié, devaient exister entre ces gens de même métier.

Hélas, je n’ai pu retrouver ce document, ce qui fait qu’aujourd’hui j’avance le nom de Marchetti avec prudence.

Le seul témoignage certain que nous ayons sur MARIA FELICE est celui de Xavier Tomasi qui a publié cinq strophes de A CANZONA DI U TRENU et en a transcrit la musique dans son ouvrage " LES CHANSONS DE CYRNOS ", publié en 1933 (4).

Xavier Tomasi avait 13 ans en 1889, l’année où Sadi Carnot, président de la République, visitait la Corse. Il habitait Aléria. Son père l’autorisa à se rendre à Bastia pour assister aux festivités (5). Mieux, il lui confia son vieux cheval et lui donna une pièce de cinq francs. Arrivé à ACQUA NERA, le cheval était fourbu. Xavier Tomasi décida de passer la nuit à l’auberge de MARIA FELICE. Il raconte :

" C’était le soir, une auberge jetait son ombre sur le bord de la route ; j’y fus accueilli avec courtoisie. Réconforté par un frugal repas de mes fatigues, je savourai un instant de bien-être. Dans un coin de la salle, une femme déjà vieille et aveugle filait sans bruit, tout en donnant des ordres pendant la veillée. Sur la demande d’un groupe de muletiers, elle voulut bien nous chanter la complainte du train, très en vogue à cette époque, chanson satirique sur l’installation des chemins de fer en Corse, qui paralysait son commerce. J’étais saisi par cette voix, douce comme celle d’une jeune fille ".

Il faut dire que le hasard avait bien fait les choses. Xavier Tomasi jouait de la flûte (6) et, à Aleria, il s’était déjà passionné pour la chant corse à en pleurer en écoutant une VOCERATRICE renommée : ZIA RUSETTA.

Il aurait pu s’arrêter dans une autre auberge, les établissements de ce genre s’étant multipliés depuis que, une quarantaine d’années auparavant les routes de la région avaient été rendues carrossables.

La route de BASTIA à BONIFAZIU avait été livrée à la circulation en 1848 (7), et, l’année d’avant, on avait procédé à l’élargissement de la route de CERVIONI aux PRUNETE. Le " JOURNAL de LA CORSE " du 24 avril 1847 disait :

" Déjà l’on parle de l’établissement d’une diligence qui, tous les jours, se rendrait de Cervione à Bastia et de Bastia à Cervione. Le chef lieu de canton, auquel toutes les communes environnantes tentent de se réunir, acquerra un jour une telle importance qu’on songera peut-être sérieusement à réaliser le vœu exprimé plusieurs fois par le Conseil général d’y établir une sous-préfecture ".

Lorsque, en 1888, le train arrive pour la première fois aux PRUNETE, il y avait dans le CAMPULORI, en dehors des agglomérations, sur à peine une dizaine de kilomètres, neuf auberges : E PIANE, SAN NIOLO’(8), A CASA D’INTEA, A VULPAIOLA, PRUNETE SUTTANU, PRUNETE SUPRANU (9) A ACQUA NERA (10), PADULONE (11), et enfin TAVERNA (12), la bien nommée, qui retrouvait sa fonction de relais qu’elle avait eu à l’époque romaine à mi-chemin sur la route qui conduisait d’ALERIA à MARIANA.

Dans son auberge d’ACQUA NERA, MARIA FELICE quoique aveugle, dirigeait son affaire avec toute l’autorité que nécessite un tel métier. Cette autorité s'exerçait d’abord sur ANGHJULINU (ANGHJULINU fait ceci… ANGHJULINU fait cela…), un Lucquois m’a-t-on dit, et son concubin, paraît-il !

Le commerce de MARIA FELICE était d’un bon rapport : les charretiers, les cochers, les muletiers au costume rutilant et au verbe haut, passaient pour les meilleurs des bons vivants et levaient facilement le coude. Il est vrai que la poussière des chemins dessèche la gorge.

MARIA FELICE se complaisait dans ce milieu. Sa clientèle bruyante lui faisait oublier sa cécité. Jusqu’au jour où l’arrivée du train devait détourner une partie de sa clientèle vers la gare des PRUNETE et amener progressivement le silence dans l’auberge, un silence troublé au moins quatre fois par jour (13) par l’atroce bruit de ferraille des convois passant à quelques mètres (14).

Cette femme d’affaires, cette femme énergique allait ainsi se livrer à la méditation, aux noires pensées, à un âge où il n’est plus possibile de refaire sa vie. C’est ainsi que naquit A CANZONA DI U TRENU.

U trenu chì và in Bastia
Hè fattu per li signori ;
Pienghjenu li carritteri
Suspiranu li pastori ;
Per noi altri osteriaghji
Sonu affani è crepacori.

Ainsi, pour les aubergistes et d’autres catégories sociales, c’était le marasme. Une exception : les bourgeois (i signori). Eux qui empruntaient très peu la diligence, se déplaçant en tilbury (u calescinu) durent marquer un engouement pour ce moyen moderne de locomotion : le train.

Une rage meurtrière s’empare de l’improvisatrice. L’ennemi n’est pas à l’échelle humaine. Les ongles, le stylet, et même le pistolet ou le fusil ne feraient pas la moindre égratignure à ce monstre d’acier. Il faut des armes puissantes : la mitrailleuse, le canon, des centaines de canons.

Anghjulì lu mio Anghjulinu
Pensatu n’aghju una cosa,
Quand’ellu passa lu trenu
Tirali una mitragliosa,
E’ li sceffi chì sò nentru
Voltali à l’arritrosa.

Ci vogliu piazzà un forte
In paese di Cervioni,
E’ nantu ci vogliu mette
Più di trecentu cannoni ;
Quand’ellu passa lu trenu
Spianalli li so vaggoni.

Ce dernier couplet est peu connu. En 1933, de A CANZONA DI U TRENU, Xavier Tomasi avait publié cinq strophes. La même année, les éditions Lemoine en avaient donné six avec une transcription originale pour guitare de Jacques Tessarech et un arrangement pour chant et piano de Lambroschini. En 1953, le même éditeur n’en donne plus que cinq avec une harmonisation de Félix Quilici.

J’ai voulu savoir si la mémoire populaire avait conservé d’autres strophes et on m’en a donné, en tout, treize. Bien entendu, je fais des réserves sur les sept qui s’ajoutent aux six publiées, les six qui, sans conteste, sont les plus belles. Pour certaines des sept, il y a sûrement des déformations. Il est même fort possible qu’il y ait eu création.

Pour ce qui concerne la strophe délaissée à deux reprises par les éditeurs, il s’agit de celle du " catinu ". La valeur littéraire n’a pas prévalu sur le caractère scatologique. J’y reviendrai.

Mais d’abord suivons MARIA FELICE dans ses imprécations. Voici que derrière le monstre de fer, au milieu de la fumée noirâtre, se profile l’ombre de l’inventeur, être anonyme, chevalier à la triste figure (" brutta ghigna ").

A’ ch’hà inventatu lu trenu
Hè statu una brutta ghigna.
Li ghjunga u filosserà
Cum’ell’hè ghjuntu à la vigna,
Li caschinu li capelli
Incù la più forte tigna.

MARIA FELICE a cherché le mal qu’elle pouvait souhaiter à l’inventeur. La peste ? Non ! Quelque chose de plus terrible : le phylloxéra. Pensez que ce puceron américain puisse s’attaquer à un être humain, peut sembler résulter tout simplement de la naïveté de l’auteur. Mais si l’on sait qu’à l’époque, pour des régions viticoles, le phylloxéra est " le mal qui répand la terreur ", tout change.

Le puceron maléfique avait fait son apparition en Corse en 1869 avec des cépages importés du midi de la France (15), mais la grande invasion se produisit en 1879. Le phylloxéra se manifesta, cette année là, à CERVIONI, SAN BRANCAZIU DI CASINCA et BIGUGLIA. Ce fut une grande calamité et désormais le mot sera prononcé avec épouvante.

A l’époque CERVIONI dépassait pour la première fois – et ce sera la dernière – les 2000 habitants. En 82, on enregistrait 73 naissances (16). Cette démographie était la conséquence d’une prospérité économique due au vignoble et à l’excellence de son vin, comme l’atteste une berceuse :

Ch’ellu ti sia cuncessu
Tuttu l’oru di la Spagna,
Le pecure di lu Niolu
E’ l’oliu di la Balagna,
U vinu di Cervioni
E’ d’Orezza la castagna (17).

Hélas ! cette population s’était dangereusement orientée vers la monoculture (18). En quelques années, elle se réduisit du quart. Plus de 500 personnes émigrèrent sur Bastia, Marseille et Alger (19). Pour la commune ce fut une ruine économique. Les grands projets prêts à être subventionnés : construction d’un appontement aux PRUNETE, construction d’un groupe scolaire, etc… étaient abandonnés. Le registre des délibérations municipale est rempli de lamentations et on y lit des conclusions aussi inquiétantes que celle-ci :

" Attendu que la situation de la commune, qui par suite du phylloxéra se trouve privée de ressources, ne permet pas de faire face à toutes les dépenses :
Délibère : l’école maternelle est supprimée. Le Conseil prie M. le Préfet de vouloir bien accorder à la commune la suppression du deuxième adjoint à l’école des garçons ".

Ceci explique que, pour MARIA FELICE, le mal qui avait détruit le vignoble et perturbé toute une population était le mal suprême (20).

On m’a donné une autre strophe avec une rime suspecte où il est question d’inondations. La voici :

Ch’ellu piovi mesi interi
E’ po empiene una pozza
Ch’ellu s’anneghi lu trenu
A’ l’entre di Casamozza
Micca pè li passageri
Ma per quellu chì li porta.

Dans sa fureur, MARIA FELICE n’oublie pas les riches propriétaires terriens de CERVIONI qui avaient profité de la construction du chemin de fer pour céder de la construction du chemin de minces rubans de terre à des prix prohibitifs. Je vous renvoie au livre de Paul Bourde, publié en 1887, qui donne des noms et des chiffres (21) :

Di lu caminu di ferru
Si ne falinu li ponti ;
Tandu li pruprietarii
Poranu fà li so conti,
Chì per dà la signatura
Elli eranu tutti pronti.

Notre poétesse semble arrivée au summum de se malédictions. Et cependant elle n’est point satisfaite. Elle sait qu’il y a quelque chose de plus fort que la haine. le mépris. Elle bouscule Anghjulinu… Vite… Démène-toi… Va voir s’il est plein… et, suprême injure, elle décide de faire au chef de train, l’offrande du pot de chambre :

Anghjulì lu mio Anghjulinu
Datti un pocu di rimenu,
Vai è feghja issu catinu
S’ellu hè viotu o s’ellu hè pienu,
Ch’avimu da prisentallu
A’ lu sceffu di lu trenu.

Maintenant que MARIA FELICE a épanché toute sa rancœur et fulminé ses anathèmes, elle se sent plus calme. Il faut penser à la liquidation des affaires.

Un’ si vende più furaggi
Pocu pane è micca vinu,
Passanu le settimane
Senza vende un bichjerinu,
Chì ci avimu più da fà
In piaghja lu mio Anghjulinu.

Anghjulì le nostre chjose
Suminemule à granone
Chì lu ladru di lu trenu
Un’cunsuma chè carbone
Avà ci tocca à piglià
Un’altra decisione.

Anghjulì lu moi Anghjulinu
Preparemu la mubiglia
E’ po mettila in vittura
Incù tutta la famiglia
Chì lu ladru di lu trenu
Da noi solli ùn ne piglia.

La répétition, par MARIA FELICE, de l’expression " u ladru di u trenu " n’est pas impossible. Mais la voir apparaître une troisième fois dans deux strophes qui évoquent un certain MICAELLU qui se serait reconverti, laisse à penser que d’autres personnes ont voulu développer –bien mal d’ailleurs – A CANZONA DI U TRENU.

Anghjulì le nostre mule
Portemule à lu macellu
Chì lu ladru di lu trenu
Passa è vene da per ellu.
Hé cuntentu Micaellu
Ch’hà impiegatu lu fratellu.

Micaellu di lu trenu
Si n’hà fattu un forte dolu,
U vegu falà in panchetta,
Ellu sempre marchja solu ;
Hà una forte cantina
Ci hà impiegatu lu figliolu.

La conclusion serait la suivante :

Mi vogliu fà una casetta
Vicin’à Monte Rutondu,
Ch’ell’ùn abbianu sentoru
Mancu s’o sò à stu mondu ;
Ci vole ch’o mi ramenti
Chì lu dulore hè prufondu.

Non, MARIA FELICE ne s’est pas retirée sur le Monte Rutondu. On m’a dit qu’elle a habité quelque temps Cervioni, au Casone, cette HLM de l’époque.

En tout cas elle n’est pas morte dans la commune. Un état civil tenu en fait foi

Où ? Je l’ignore, et je laisse le soin à d’autre chercheurs de découvrir son lieu de naissance et le lieu de sa mort.

 

NOTES

 

  1. En 1888 ont été ouverts à l’exploitation, les tronçons :
    Bastia-Corti et Casamozza-Tallone (1er février).
    Tallone-Ghisunaccia (17 juin)
    Bucugnanu-Aiacciu (1er décembre)
    Les autres ouvertures ont eu lieu les :
    10/01/1889 : Ponte à a Leccia-Palasca
    14/07/1889 : Vizzavona-bucugnanu
    15/11/1890 : Palasca-Calvi
    09/10/1892 : Vivaviu-Vizzavona
    03/12/1894 : Corti-Vivariu
    15/09/1930 : Ghisunaccia-Sulinzara
    21/09/1935 : Sulinzara-Purtivechju
    (V. Magazine des tramways à vapeur et des Secondaires, N°5 et 32)

  2. Par suite du paludisme, les adultes devaient prendre chaque jour une pilule de 25 cg de quinine, les enfants une dose de 5 à 20 cg.
    La faible population de bergers et agriculteurs qui exploitait la Plaine orientale la désertait de la mi-juin à la mi-septembre. Même les prisonniers de Casabianda ont eu un refuge avec infirmerie au couvent de Cervioni, puis en forêt de Marmanu. Seules certaines catégories de travailleurs étaient obligées de rester sur place.
    Le rapport fait à la chambre des députés, le 14 février 1908, par M. Gavini, au nom de la Commission de l’Agriculture chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’assainissement de la côte orientale dit :
    " … Sur le réseau de chemin de fer, les personnels des gares situées sur la côte orientale, bien qu’il soit renouvelé constamment, paye un large tribut à la maladie. La morbidité a atteint, en 1906, 46% du personnel… La plaine est désertée en été par toute la population agricole ; ceux qui sont obligés d’y séjourner sont sujets à de graves accès paludéens. Aussi, au phare d’Alistru, il n’est pas un gardien qui ait échappe aux atteinte de la malaria. Tout le personnel est parfois frappé en même temps en été… "

  3. C’était en 1926. Le 15 décembre 1911, le parlement avait voté une loi pour l’assainissement de la côte orientale de Bastia à Bonifaziu, loi qui donnait la priorité à l’amenée d’eau potable.
    Les travaux à effectuer comprenaient :
    1. L’adduction d’eau potable ;
    2. La régularisation des lits des cours d’eau ;
    3. La fixation des embouchures ;
    4. Le comblement, le débroussaillement et l’égouttement des marais ;
    5. La régularisation des cuvettes fixées à 11 millions et demi échelonnée sur 11 ans.

    Il y eu des retards. En 1912, le service hydraulique de la Corse ne dépensa que 7000 F sur les 300 000 mis à sa disposition ; en 1993, 75000 sur un million ; en 1914, 153 000 sur 1 71 2000.

    Il y eu aussi des malfaçons sur la fabrication des tuyaux en ciment, préférés aux tuyaux en fonte.

    Entre 1914 et 1918, 4000 prisonniers de guerre furent mis à la disposition du service hydraulique.

    En février 1920, les travaux étaient terminés dans la région d’Aleria et du Fiumorbu, la canalisation était en exploitation dans les régions de Padulella et Bravone. Mais, en 1926, l’eau n’arrivait pas encore à la maison cantonnière d’Alistru (V. Henri Pierangeli, député : " La Corse économique ", imp. Régionale, Toulon 1922).

     

  4. Ed. J. Détaille, Marseille.
     
  5. Sadi Carnot est arrivé à Bastia, venant d’Ajaccio, le mardi 22 avril 1980 à 20h30. Pour montrer que le gouvernement s’intéressait au chemin de fer, il avait pris le train d’Aiacciu à Vizzavona (la ligne étant terminée), accompagné du ministre des travaux publics et du directeur de la Compagnie des chemins de fer départementaux. Il avait poursuivi par la route et repris le train à Corti. Son arrivée tardive à Bastia était due au déraillement de deux wagons en gare de Francardu, ce qui l’obligea à attendre un autre train venant en sens inverse pour faire le transbordement. Il quitta Bastia le lendemain à 17 heures.
     
  6. Xavier Tomasi est le père du compositeur et chef d’orchestre Henri Tomasi.

    " Le goût, ou tout au moins la pratique de l’art musical, a été apporté dans la famille Tomasi par un grand oncle, l’avoué Cecconi, de Bastia, qui, ayant étudié la flûte à Florence, initia le père d’Henri, Xavier, à la technique de cet instrument. Le jeune homme avait d’ailleurs manifesté très tôt un penchant pour la musique : encore enfant, alors qu’il gardait les brebis, il aimait à jouer nos vieux airs populaires sur des pipeaux rustiques de sa fabrication " (Felix Quilici : " Henri Tomasi) in CORCISA VIVA n°7, novembre-décembre 1964, janvier 1965, pp 26-27.
     
  7. La route de Bastia à Bonifaziu avait été classée par la loi du 29 juillet 1839.

    Celle de Bastia à Aiacciu, route stratégique qui traversait peu de villages, avait été ouverte aux voitures le 13 septembre 1827 avec l’inauguration d’un pont de 30 Mètres sur le Vechju. Ce jour là, LE JOURNAL DE LA CORSE écrivait :

    " Le sieur Robert, négociant à Brignole, département du Var, a remis à M. le préfet un mémoire dans lequel il propose d’établir une diligence ou grande-malle-poste, pour le transport des voyageurs et des dépêches d’Ajaccio à Bastia et vice-versa ".

    La route de Bastia à San Fiurenzu était également une route stratégique. Robiquet, ingénieur en chef des Ponts de Chaussées, à écrit :

    " Cette route avait été, dès le principe, ouverte sur toute sa largeur et perfectionnée : elle n’a pas été jusqu’ici beaucoup plus utile au commerce que l’eût pu l’être une route muletière ; mais elle était nécessaire comme route militaire, principalement pour établir la communication entre Bastia et les flottes qui pourraient relâcher ou se trouver en station dans le golfe de Saint-Florent " (" recherches Historiques et Statistiques sur la Corse ", Paris-Rennes 1835).

    La route de la forêt d’Aitone au golfe de Sagone, suivant à peu près le tracé d’un ancien chemin ouvert par les génois, a été construite pour les besoins en mâture du port de Toulon et a servi de 1819 à 1824 pour l’exploitation de la forêt.

    En 1828, le réseau routier carrossable de Corse ne s’était guère amélioré. Jérôme-Adolphe Blanqui, dans son rapport à l’Institut de France (typ. Firmin Didot Frères, Paris 1841) disait :

    " … La France est traversée par des fleuves navigables, par des routes royales, par des diligences qui y font circuler les idées et la vie. Rien de cela n’existe ne Corse. Ce qu’on appelle parmi nous routes départementales, ce sont dans le pays d’affreux sentiers à peine praticables aux chamois et aux chèvres ".
     
  8. Maison Lombardi Joseph.
     
  9. Maison Astima Gaëtan.
     
  10. Maison Brignole.
     
  11. Maison Poggi François.
     
  12. Maison Massoni Don joseph.
     
  13. En 1788, les trains de voyageurs venant de Tallone arrivaient en gare des Prunete à 6h45 et 15h45, ceux venant de Bastia à 9h20 et 18h20. En plus, il y avait les trains de marchandises.
     
  14. Voir plan joint.
     
  15. En 1850 était apparu l’oïdium, vaincu plusieurs années après par le soufrage.
     
  16. De 1880 à 1890, la moyenne annuelle des naissances était de 62,4. De 1890 à 1900, elle n’était plus de 49,9.
     
  17. L’excellence du vin de Cervioni était connue depuis longtemps. " La pieve di Campoloro… di generoso e ottimo vino " lit-on dans la COLONNA SACRA de 1681. En 1831, avec celui du Capicorsu, il concurrençait le vin local sur le marché de Bastia ; aussi le 11 juin, la municipalité bastiaise décidait d’imposer les vins venant du reste de l’île.
     
  18. Déjà, en 1862, Alexandre Grassi écrivait (sous le pseudonyme de Lazare) : " Cervione est le canton de l’île ayant la plus grande superficie relative de terrains plantés en vigne " (AVENIR DE LA CORSE du 1/05/1862).
     
  19. La destruction du vignoble était la cause principale de cet effondrement démographique. Mais aussi, les Campulurinchi, comme tous les Corses, étaient drainés vers l’Algérie par une politique coloniale d’un type nouveau orientée vers les grand espaces et les sources importantes de matières premières. Lorsque, pour la première fois, le train faisait son entrée en gare des Prunete, l’Algérie avait déjà 1600km de chemins de fer.
     
  20. La progression de l’attaque phylloxérique se poursuivit pendant des années, compliquées, à partir de 1887, par l’apparition du mildiou. Un peu d’espoir se fit jour lorsque l’admission des cépages américains fut décidée en 1886 et que les premières pépinières furent installées en 1891. Dès 1888, les viticulteurs du Campulori s’employèrent à replanter leurs vignes en utilisant comme porte-greffes les Jaquez et les Herbemonts Touzan et d’Aurelles, bientôt supplantés par les Riparias et les Rupestris. En 1897, cinquante hectares avaient été reconstitués pour 28 propriétaires (J.B. CASTELLI : " La vigne en Corse ", bibl. du Réveil Agricole, Marseille 1898).

    Les Campulurinchi abandonnèrent les essais d’acclimatation des raisins de Saint Georges, l’Ermitage, Lunel… Les variétés de greffons : Biancone, Alicante, Niellucciu, Alleaticu, Malvasiu, Aramon, permirent de retrouver les fameux vins rouges de Cervioni dont Renucci, reprenant l’expression de Busching, dira en 1898 : " Ce sont des vins précieux, comparables pour le goût et pour la couleur aux vins de Bourgogne ". La comparaison des vins du Campulori avec ceux de Bourgogne avait été faite pour la première fois en 1765 par Boswell. Un peu plus tard, Pommereul disait qu’ils " n’auraient pas besoin d’emprunter un nom étranger pour acquérir de la réputation, ils pourraient faire connaître le leur ".
     
  21. " Au mois d’août 1886, le jury jugeait quarante-deux affaires d’expropriation sur la ligne de chemin de fer de Casamozza au Fiumorbu. " Ce jury avait été composé au Conseil Général par une majorité, présidée par M. de Casabianca, chef de clan aujourd’hui le plus puissant, puis trié sur le volet par un tribunal présidé par le père de M. Casabianca, et il délibérait en présence de M. de Casabianca, avocat choisi par la Compagnie. C’était un vrai jury de clan, et il a jugé d’après la conscience du clan : tous ce qui profite aux amis est légitime.

    " M. Benedetti était exproprié pour une vigne de 16 ares 96 centiares, et mademoiselle Virgitti pour une vigne d’une étendue sensiblement égale de 18 ares 90 centiares. M. Benedetti était un ennemi du clan ; on lui a donné 2000 francs, ce qui était du reste parfaitement raisonnable. Mais mademoiselle Virgitti était une parente ; elle a obtenu 13 000 francs. MM. Astima étaient aussi des parents : on leur a payé 35 000 francs pour 1 hectare 36 ares 70 centiares de terres et maquis. M. de Suzzoni était encore un parent, et on l’a comblé :

    45 000 francs pour 90 ares 51 centiares de terres et de maquis (Paul BOURDE : " En Corse ; l’esprit de clan, les mœurs politiques, les vendettas, le banditisme ", Calmann-levy éd., Paris, 1887).

 

Per finì una puesia d’Ernestu TUFFELLI intitulata : U TRENU
Dedicata à Ntone Monti incu amicizzia 6 Ferraghju 1970

Mi ricordu di u tempu
Di quandu chi Trennichellu,
Passava sfumaccichendu
Nantu lu ponte a l’Olmellu ;
Li ci vulia l’abbriu,
Per francà ssu ponticellu !

Pasava a cappiu lenu
Davanti a l’Acqua Nera,
Induve chi Maria Felice
Li tirava a spantichera !
Chi tantu ch’ella campò
Li fece pocu manera.  

Cuminciava a fisciulà
A parte da Padulone,
Per averte in Prunete
Ch’ellu ghjunghia Plutone,
E venia ad arrembassi
Più mansu che un muntone.

Sottu a quelli ocalitti,
Mezz’a lu sfumaccichime,
Di l’acelli impeuriti
Nascia u spernuccime.
I cignali di l’intornu
Fughianu indu’e cime.

Una volta pigliò u trenu
Pendicone di i Pirelli,
Chì disse a voce rivolta :
- " Sò miraculi o zitelli !
Cumu feranu ssi carri
A viagghià da per elli ? "

Oghie nun ci ferma più,
Nantu la " ligna " suttana,
Che una viottulella
Chi poc’a pocu s’appiana :
Ci si coglienu l’erbiglie
E finochji da tisana.

Osteriaghj e pastori
L’hanu tantu maladettu,
Chi dopu quelli furori
U pullaghju restò nettu ;
Un fermò nant’a ssa strada
Che le case senza tettu.

Unn’hannu pussutu frenà
A marchia di u prugressu.
S’elli ci fussinu oghie
Averebbenu riflessu,
Prima di ghjtimà tantu
Quellu chiamatu " l’espressu " !

Chi un dannu è più grande
S’omu ci si pensa a fondu.
Incu le " vitture " oghie
Ci n’andemu a lu sprufondu…
D’etima in settimana
E una sterpazion’ di mondu !

Un ci passa più lu trenu,
Smariti sò li signori !
Voltu la strada ferrata
Un si sente più rimori…
Ma ci fermanu l’angosce,
L’affann’e li crepa cori… !