Des roseaux et des hommes, chronique d'une capitale disparue

Pierre Girardeau, illustrations de Denis Clavreul, préface de Paul Silvani

Editions Alalia, 300 pages

Ouvrir un livre, c'est pousser la porte d'une maison. C'est bien le moins que de faire savoir au lecteur ce qu'il va trouver dans la demeure et lui présenter les hôtes qui l'accueillent.

La visite du baron Théodore de Neuhoff à Aléria en 1736 est l'épilogue dérisoire de l'antique cité disparue... qui... a mis un terme à sa vocation de capitale de la Corse.

La vie d'Aléria en tant que capitale se prolonge jusqu'au XVIIIeme siècle. La cité a-t-elle cessé d'exister à l'arrivée des Vandales ? Rien n'est moins sûr. Parmi ceux que les Romains (et avant eux les Grecs) dénommaient " barbares " se trouvent d'excellents artisans des métaux, des artistes raffinés et, si l'on en juge par Clovis, de brillants juristes et des princes tolérants.

La Gaule et les Germains se convertissent. Le christianisme gagne l'île, mettant d'accord Romains et Barbares: les premiers se font catholiques, les seconds, ariens, tardent à le devenir. Le roi lombard Liutprand (742) est catholique. La croix apparaît sur les monnaies à son effigie trouvées autour d'Aléria.

Aléria devient un évêché important qui a sa cathédrale. Elle est, dès 1484, une place forte d'où les chevaux-légers s'élancent à la poursuite des corsaires barbaresques.

La ville et sa région ont continué de vivre après 1736 d'une façon différente.

" … les Phocéens mirent à la mer leurs navires à cinquante rames et embarquèrent leurs femmes, leurs enfants et tous leurs biens mobiliers, avec les statues des temples et les autres offrandes (…)
Les Phocéens s'en allèrent à Cyrnos où, vingt ans auparavant, sur l'ordre d'un oracle, ils avaient acquis une ville du nom d'Alalia (…) "

Hérodote nous transporte en 545 av JC : Aleria est née.
Aleria n'est jamais là où on l'attend.
Je l'ai cherchée durant ces dix siècles, du moyen-age à la renaissance, sans la trouver : elle est ailleurs.
Aleria, c'est un étang, une falaise, une nécropole, un fortin oublié des hommes veillant sur un désert, des légendes, une poussière de remparts…tout sauf une ville.
Ou plutôt une place déserte, une peinture métaphysique à la manière de Chirico, un univers solidifié où ne règne que la tyrannie du temps.
A la fois histoire et poème, cet essai fait apparaître une autre Aleria héritière de modes, de coutumes et de cultures lointaines, animée d'une vie riche, débordante.

" Je tente de percer les " nuits " d'Aleria, de voler un peu de l'âme immense de cette cité. L'important n'est pas d'atteindre le but. Ce qui compte, c'est de prendre le chemin… "