BONAPARTE ET PAOLI

Le Prince Napoléon, descendant de Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, frère cadet de l'Empereur, est né en 1950. Il est le chef de la Famille impériale. Docteur en sciences économiques, haut fonctionnaire puis dirigeant d'entreprise, il est président fondateur de l'Association pour la promotion et la défense de l'image de la Corse, et a présidé le Souvenir napoléonien.

Introduction :

Deux personnalités dominent l'histoire de la Corse moderne : Napoléon Bonaparte et Pascal Paoli. Elles dépassent de beaucoup toutes les autres figures de l'histoire corse, non que cette histoire fût de tout repos, ni qu'elle manquât de figures hors normes, mais parce que les deux hommes débordent largement l'histoire de leur île natale pour s'inscrire dans l'histoire de France.

Les profondes affinités culturelles et politiques qui les relient, les sentiments quasi filiaux que Napoléon éprouve pour son aîné, l'admiration que le vieux chef porte à son jeune et talentueux compatriote, ne parviennent pas à éviter que leur désaccord ne les conduise à la rupture, car il porte sur une question fondamentale qui dépasse leur propre volonté : comment concilier la liberté des peuples et les libertés individuelles ? Question sur laquelle buteront après eux tous les artisans des nations du XIXe et du XXe siècle.

Car sur le chemin des libertés, la Corse précède la France de trente ans, le temps d'une génération, celle qui sépare Pascal Paoli de Napoléon. Trente années pendant lesquelles les idéaux du XVIIIe siècle, mis en application en Corse par Pascal Paoli dès 1755, approfondissent leur sillon, s'enrichissent de concepts, d'expérience, de gouvernements et d'hommes nouveaux qui opposent sur les voies de la liberté la Corse et la jeune nation révolutionnaire française.

Comprendre les affinités et l'affrontement entre Bonaparte et Paoli, entre l'homme de bronze et l'homme de marbre, c'est entrer de plein-pied au cœur de l'histoire de la Corse, de sa modeste existence face à de formidables envahisseurs, à ceux qui voulaient l'en protéger, rarement animés d'intentions désintéressées, à ceux même dont elle sollicite la puissance pour se protéger.

Nous allons découvrir les alliances que les Corses passent avec les uns puis avec les autres, au rythme d'une vie politique d'une prodigieuse vitalité, où des personnalités aux caractères extrêmes, simples paysans devenus chefs locaux, parviennent à se hisser sur le devant de la scène au prix de parcours exceptionnels et d'actions d'éclat souvent peu recommandables.

Formidable creuset que cette Corse du XVIIIe siècle, issue de huit mille ans d'histoire et d'une vie politique foisonnante qui produit des clans comme ceux des Bonaparte ou des Paoli, où se forgent les personnalités de leurs chefs au point qu'après s'être imposés dans cette île pauvre et lointaine, ils pourront dominer les scènes nationale et internationale. Leurs oppositions même sont à l'origine de nouvelles épreuves sur lesquelles rebondissent leurs caractères et leurs carrières.

Aussi, pour apprécier leurs trajectoires, est-il nécessaire de prendre connaissance des particularités de l'histoire de la Corse, d'approcher l'essentiel de ce qu'est l'île au moment où l'histoire s'empare de nos héros, pour mieux apprécier l'ampleur de leurs actions propres. Cette présentation faite, et leurs parcours parallèlement suivis, nous nous intéresserons à leur influence et surtout à l'importance de leurs destins respectifs dans la vie insulaire et nationale des années décisives, à la fois pour la Corse, la France et l'Europe.

Nous découvrirons alors que l'antagonisme des deux hommes s'explique autant par la grandeur de leurs caractères que par la rencontre de deux mouvements historiques inégaux et contraires, produits communs des idéaux du XVIIe siècle, qui conduiront à l'absorption d'une petite nation en cours de gestation par une beaucoup plus grande nation en cours de révolution, sans apporter de solution définitive comme le montre encore l'actualité récente.