Symboles de la Corse
Jean-René Laplayne et Véronique Emmanuelli
Editions Assouline, 2001
Jean-René Laplayne et Véronique Emmanuelli
font l'inventaire des repères étroitement associés
à l'identité insulaire et à l'image que celle-ci
véhicule à travers le monde. Une liste non exhaustive qui
est une invitation au voyage mais aussi un chemin initiatique pour partir
à la découverte de nos racines profondes.
"Symboles de la Corse" ou une île à fleur de peau
qui se découvre pour mieux se protéger. Jean-René
Laplayne, directeur de "La Corse votre hebdo", et Véronique
Emmanuelli, docteur en linguistique anglaise, enseignante et chercheur
à l'université de Corse, ont bien compris cette réalité
et ce paradoxe insulaires, quand ils ont entrepris la rédaction
de cet ouvrage qui vient de paraître aux Editions Assouline.
Remonter
aux sources de l'histoire
Avec de superbes photographies de Laziz Hamani, ils ont sélectionné
quarante symboles, qui à leurs yeux identifient la Corse. "Mais
attention", précisent-ils, "ces signes forts ne constituent
que la partie visible de l'iceberg car en Corse tout est symbole. Chaque
homme, chaque animal, chaque plante, chaque hameau, chaque site exprime
une identité forte".
De personnages illustres aux paysages grandioses, Jean-René
Laplayne et Véronique Emmanuelli, nous proposent non seulement
une invitation au voyage, qu'il soit passé, présent ou futur,
mais aussi de partir à la recherche de nos racines profondes.
Dans leur introduction - en français et en corse -,
les deux auteurs remarquent que la Corse "à la fois malheureuse
et glorieuse a trop souvent été caricaturée par des
regards simplificateurs". Aussi, pour Jean-René Laplayne et
Véronique Emmanuelli, "pour pénétrer cette île,
il faut remonter aux sources de son histoire, suivre son cheminement tumultueux,
plonger dans la ruralité profonde pour faire la part des choses
entre la réalité et les énigmes, les mythes et les
légendes qui peuplent l'imaginaire insulaire".
De
Pascal Paoli à Tino Rossi et Colomba
Sur un peu plus d'une centaine de pages, les auteurs recensent
donc quarante symboles. On y trouve aussi bien des personnages illustres
comme Napoléon, Pascal Paoli, Théodore ter, Tino Rossi,
Sampieru Corsu ou Colomba. Mais également des lieux mythiques -
les îles Sanguinaires, Cargese, Aleria, le désert des Agriates
ou des représentations identitaires aussi fortes que la Micheline
plus communément appelée u "trinichellu", le GR.20,
les polyphonies ou le châtaignier, sans oublier les animaux avec
le Cursinu, le mouflon et le sanglier. Ou même tout simplement des
objets usuels tels le stylet.
"II existe bel et bien une âme corse, qui ne se
donne pas au premier venu. II faut aller à sa rencontre, l'apprivoiser
pour qu'elle finisse par accepter de partager avec vous le pain et le
sel. Cette âme est celle de ces trois cent soixante villages qui
tissent une Corse qui a du mal à se faire comprendre", écrivent
Jean-René Laplayne et Véronique Emmanuelli, qui n'occulte
pas d'ailleurs le symbole de la violence.
L'ouvrage s'ouvre sur le symbole du drapeau corse. Les auteurs
reviennent sur les deux versions qui expliquent la représentation
de cette tête de maure, le front ceint d'un bandeau blanc sur un
rectangle de toile blanc. Et expliquent que le drapeau, qu'elle qu'en
soit la version choisie, "établit entre les Corses et leur
histoire des liens multiples, surprenants, controversés et entremêlés
dans le labyrinthe de l'imaginaire et du mythe".
Si les symboles répertoriés dans le livre permettent de
mieux comprendre l'île de beauté, il n'en demeure pas moins
que Jean-René Laplayne et Véronique Emmanuelli évoquent
non seulement le mystère de la Corse mais également ses
nombreuses interrogations.
Le goût du mystère et de la quiétude farouche
"L'on est submergé par une impression de mystère,
taraudé par d'insidieuses questions : comment rendre compte d'une
terre si contrastée, tour à tour bienveillante et farouche,
paradoxale? Cette nature est-elle indissociable des hommes qui vivent
en son sein ? A-t-elle forgé leur identité. Qui sont ces
Corses qui, dès l'Antiquité, intriguent historiens et écrivains,
suscitent jugements contradictoires?" Ils n'oublient pas de rappeler
ainsi le mystère qui existe sur l'origine de son nom, de son peuple,
de sa langue.
Et d'évoquer par là même la célèbre
phrase d'André Malraux : "Un grand homme politique a son mystère..."comme
nous avons la Corse".
De ces mystères impénétrables à
la réalité d'aujourd'hui, Jean-René Laplayne et Véronique
Emmanuelli trouvent un lien. "En Corse, tout devient emblématique.
Paysages, personnages, coutumes, objets, productions témoignent
avec force pour cette île balayée par le souffle épique
de l'Histoire. On frémit, on se passionne, on attrape le goût
du mystère, de la quiétude farouche".
Comme le soulignent avec justesse les deux auteurs, cette
Corse qui a étonné le monde avec Napoléon, affirmé
son indépendance avec le "père de la patrie",
Pascal Paoli est allée jusqu'à s'offrir une parenthèse
royaliste avec Théodore ter! Celle qui fut également le
premier département français libéré, du double
joug allemand et italien est désormais "devant la scène,
avec un chèque en blanc sur l'avenir".
L'avenir. Jean-René Laplayne et Véronique Emmanuelli
savent bien que la Corse qui a "vu bâtir son image sur des
idées reçues" est toujours une île à fleur
de peau, méconnue, voire incomprise. Tel est le destin de Kalliste,
la plus belle. "Symboles de la Corse" a su comprendre cette
étrange dualité, qui entre ombres et lumières trace
une vérité unique et sans compromissions.
Photographies de Laziz Hamani.
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