ESSAI SUR LES ANCIENNES UNITES DE MESURE
UTILISEES EN CORSE AVANT L’ADOPTION DU SYSTEME METRIQUE
ANTON DUMENICU MONTI
ADECEC CERVIONI 1982
Mesurer c’est évaluer une quantité en la comparant avec une quantité de même espèce dite unité de mesure. Pour matérialiser les unités, les hommes ont d’abord utilisé le corps humain, puis ils ont fabriqué des instruments de mesures.
Le palmu est la plus grande longueur matérialisée avec une main. C’est la distance entre l’extrémité du pouce et l’extrémité de l’auriculaire en position écartée.
Le palmu des couturières, utilisé pour mesurer les lignes courbes, le tour de taille par exemple, est le même que le précédent, mais avec l’index, le majeur et l’annulaire repliés (d’ap. R. PECQUEUX BARBONI).
Un palmu grande est obtenu en ajoutant au palmu la longueur de la phalangine du pouce. Un simple mouvement de bascule sur l’extrémité du pouce permet cette addition.
Le scumessu est la distance entre les extrémités du pouce et de l’index en position écartée. Elle vaut environ les 4/5 du palmu. C’est l’espacement employé dans la plantation des ails. C’est aussi, à Cervioni, le diamètre d’ouverture du moule à fromage (fattoghja), le diamètre de base étant la distance entre l’extrémité de l’index en position tendue et l’extrémité du majeur en position repliée. La profondeur du moule est obtenue entre le majeur et l’index en position tendue.
Le massumè ou sussumè est la plus grande longueur obtenue en tendant le pouce perpendiculairement à l’avant-bras et en repliant les quatre autres doigts. Elle va de l’extrémité du pouce au métacarpien de l’auriculaire.
Le pouce (u ditone) est utilisé pour des mesures dans sa longueur et dans sa largeur. Sa phalangine permettait, par ex., de régler la largeur des plis en couture. Les quatre autres doigts étaient parfois utilisés dans le sens de la longueur, mais surtout dans le sens de la largeur. On a ainsi des mesures, de 2, 3 et 4 doigts.
La manciata est la quantité la plus grande que peuvent contenir les deux mains faisant cuvette. La manata est la contenance d’une main faisant cuvette. Le pugnu est la contenance de la main fermée. Ces volumes variaient certes d’un individu à un autre, mais une personne pouvait arriver à une grande précision dans la répétition du geste. C’est ainsi que les femmes qui utilisaient le sel à manate pour les salaisons, réussissaient à conserver le même goût à la charcuterie d’une année sur l’autre pendant toute une vie. J’ai connu un joueur de cartes, grand tricheur il est vrai, plonger la main dans un sac de haricots, en retirer une poignée (un pugnu) et être capable de donner le nombre de graines à une ou deux unités près.
Le mannellu est la quantité de tiges de céréales que la main peut retenir pendant la moisson. Les mannelli sont assemblés pour former une mannella (gerbe, ou botte).
Lorsqu’on semait le lin à la volée, il fallait que la graine soit bien répartie, ni trop dense, ni trop clairsemée. La densité était évaluée sur la pulpe du pouce : le pouce, appliqué sur le sol, accrochait une quantité de graines que l’on évaluait.
Le bras (bracciu) est la distance entre l’extrémité des doigts et le moignon de l’épaule. On utilise aussi la distance entre l’extrémité des doigts et le moignon de l’épaule opposée, le bras étant horizontal ; ou encore, la distance entre les extrémités des doigts des deux mains, les bras étant disposés horizontalement.
Le pas (passu) peut être considéré comme une mesure éminemment élastique. Cependant, j’ai connu des personnes sachant régler leur pas de façon à obtenir le mètre avec une grande approximation.
La palanca, ou palancata, est la distance obtenue en faisant le pas le plus long possible (FALCUCCI). On trouve le mot dans un texte récent :
« Cusì à u passu di a furmicula
À trè palanche di quelle chjappe
Toccu à Fasgianu a cimicicula
Perchè Maria n’ùn s’achjappe ».
(TIRENU : Ghjuvan Paulu LANFRANCHI, Ms).
1. Le palmu. C’est l’unité principale. Bien sûr elle varie avec les individus mais cela n’apporte guère de perturbations dans les relations commerciales puisque le choix de l’unité de mesure appartient au vendeur, l’acheteur étant libre de l’accepter ou de le refuser.
Le palmo genovese valait 24,769 cm (NOB, ROB, MAU)
L’empan de France valait de 22 à 24 cm.
A partir du XIXe s., le mot palmu est employé pour désigner
le quart de mètre, soit 25 cm.
Expressions : marcante di palmu = marchand de tissu. Fà un palmu
di musu = bouder.
2. La mazza ou mezacanna = 5 palmi = 1,23845 m.
A la Municia d’Orezza, dans la famille Grazi où les
femmes étaient tisserandes de mère en fille, il existe une mazza
qui a longtemps servi à mesure les toiles de lin. C’est une latte
en bois de châtaignier de section 3 cm x 2 cm. L’usure des extrémités
et la largeur des entailles (segni), dépassant parfois
le mm, rendent difficile une description précise. Des mesures, effectuées
avec le plus grand soin donnent des résultats surprenants :
La mazza mesure 125,75 cm. Elle est divisée en 5 palmi
d’inégale longueur : 24,95 - 25,20 - 25 - 25,20 - 25,40 (théoriquement,
chacun aurait dû mesurer 25,15 cm).
Aux extrémités, les palmi sont subdivisés :
- l’un en deux meziplami, celui du bout étant lui-même
divisé en 2. Cela donne : 6,25 cm - 6,45 cm - 12,25 cm.
- L’autre est divisée théoriquement en tiers : 8,55 cm - 8,45 cm -
8,40 cm.
Une complication pour mesurer un lé, on coinçait le début sur l’épaisseur avec le pouce et on tournait sur la mazza. Donc, dans la pratique, la mazza était la longueur de la latte augmentée de l’épaisseur, ce qui donne pour celle de la Munacia : 125,75 + 2 = 127,75 cm.
3. La canna = 10 palmi = 2,4769 m.
4. La lenza = 50 palmi.
5. Le bracciu (it. Braccio, pl. braccia) est une mesure qui devait être d’une soixantaine de cm.
Il est important de se rappeler que la Corse a eu avec
la Toscane des relations politiques à une certaine époque et des relations
commerciales à toutes les époques. BOS dit d’ailleurs, en 1765 : «
La monnaie et le poids de Corse sont égaux à ceux de Toscane ». Le
braccio legale toscano a été fixé en 1863 à 0,583587
m (CAV).
FOR donne un bracio de 1,949 m. ( ? ).
6. Les mots mazza et bracciu ont été utilisés pour une mesure de 4 palmi (NOB, ELE). Il se peut que cette utilisation soit postérieure à l’établissement du système métrique, les Corses voulant se donner une unité voisine du mètre. On a dit que cette mazza servait pour mesurer les étoffes, ce qui est certainement pratique (v. l’aune française de 1,188 m). Or la mazza de Benedetta Grazi, qui a tissé jusque vers 1930, prouve bien que celle de 5 palmi servait pour les étoffes. Cela est confirmé par Barberine Castelli (91 ans en 1976) et sa sœur Julie-Marie (89 ans en 1976) de Leccia di Porti Vechju, fileuses et tisserandes, qui ont toujours utilisé celle de 5 palmi.
7. Pour les itinéraires, les mesures étaient faites avec des unités de temps. Ainsi les bergers cortenais disaient qu’il fallait une demi-heure pour aller des bergeries des Grottelle au lac de Melu et 4 heures pour atteindre le sommet du Rotondu. Dans les rapports techniques, on se servait du miglio d’Italie valant 1000 passi, ou mieux 1000 passi romani, soit 1478 m. La lieue de France de 25 degré valant 4445 m, trois milles d’Italie valaient à peu près une lieue de France (JAU).
1. La libbra est l’unité principale de mesure des poids. La politique et le commerce ont introduit en Corse :
- La libra toscana = 339,542 g
(CAV), divisée en 12 once, l’oncia en
8 dramme, la dramma en 3 scrupoli, le
scrupolo en 24 grani.
- La libbra genovese = 326,48g (ROB), divisée en 12 once,
l’oncia en 24 denari, le denaro en 24 grani.
- La libbra romana = 327,45 g.
- La livre française = 489,50585 g, divisée en 2 marcs le marc en
8 onces, l’once en 8 gros, le gros en 72 grains.
La libbra génoise fut imposée dès le
XIVe s., au moins, à Bonifaziu. Au milieu de XVIe s., les Corse, par
l’intermédiaire des Nobles-Douze, réclamaient l’unification des poids
et mesure. En 1578, l’Office de Gênes décrétait : da qui inanzi
si riduchino al peso e misura di Genova (LIB). Cette décision
ne combla pas le désir des Corses puisque, dès 1581, les N-12 demandaient
que les poids et mesure siano ridotte al solito antico, ce qui fut
évidemment refusé. Même refus en 1592 ou 1593 lorsque les N-12 demandent
que la vente du sel se fasse au peso corsesco, un poids
dont nous ne savons rien.
Les instruments de mesure étaient vérifiés et marqués deux fois l’an
par des inspecteurs des marchés, les ministrali. Cela
aurait dû supprimer les contestations, surtout pour les poids facilement
contrôlables. Et pourtant il y en eut, malgré certaines tolérances,
comme à Bastia où l’on admettait, dans la vante au détail, une différence
de 4 onces pour 5 livres (BSSHNC, fasc. 61, p.280).
Le système métrique fut donc accueilli avec soulagement, comme l’indique
le proverbe : ch’ellu eviva u chilò, chì a libbra passa è vene.
2. L’unchja (lat. uncia, It. oncia,
Fr. once) est le douzième de la livre génoise, soit 27,2 g. Dix huit
de ces unités équivalent à une livre poids de marc.
Noter que l’uncia des Romains a été utilisée comme terme
général signifiant 1/12. C’est ainsi que l’on a parfois utilisé l’unchja
dans les mesures des longueurs comme 1/12 du palmu.
Dans le langage courant, le mot unchja désigne une petite
quantité : Damine un’unchja = donne-m’en
un tout petit peu.
3. Le rubu = 25 livres de Gênes = 8,162kg.
4. Le cantarettu = 4 rubbi = 100 livres de Gênes = 32,648 kg.
5. Le cantaru = 6 rubbi
= 150 livres de Gênes = 48,972 kg. Il est sensiblement égal
à 100 livres poids de marc (48,951 kg).
Avec la vulgarisation du kilogramme, le cantaru fut
compté 50 kg. C’est ainsi que dans un jugement de 1839 on lit : deux
quintaux de fer, c.à.d. 100 kg (JUS). Plus tard le mot cantaru
a été utilisé pour traduire le mot quintal.
6. La somma = 200 livres de Gênes. En 1702, la soma d’huile en Balagna avait été altérée et valait 209 à 210 libbre (FOR).
1. La bacinata
est la superficie de terrain capable de recevoir un bacinu
de semence en céréales. Pour un bacinu déterminé, cette
mesure variait en fonction de la qualité de la terre. En effet, l’ensemencement
était plus dense dans les terres riches que dans les terres pauvres.
« La pianura riceve più semente che la collina e
le terre macchiose » (ELE).
Voici une correspondance avec le système métrique d’ap. NOB : bonnes
terres 3,01 ares, terres médiocres 3,93 ares, mauvaises terres 4,63
ares.
CAS donne la correspondance suivante : 10 arpents valent 139,9 bacinate
en bonnes terres, 107,11 en terres médiocres, 84,63 en terres mauvaises.
En comptant l’arpent de Paris 34,18869 ares, on obtient pour la bacinata
: 2,44 ares en bonnes terres, 3,19 en terres médiocres, 4,04 en terres
mauvaises.
Bien entendu, il faut aussi tenir compte du bacinu local. En 1839,
le juge de Cervioni estime à 5 ares la bacinata dans
la plaine alluviale de Fiumalisgiani (JUS).
Lors de l’estimation des biens nationaux de la communauté de Brandu,
faite le 13 floréal en VI, la bacinata vaut 3,6 ares
(Arch. dép. 1 Q 43).
2. La mezinata = 6 bacinate.
3. Le pattu est un carré de 100 palmi de côté,
ce qui équivaut à 613,5 m² (ROB).
Cette correspondance, où intervient le système décimal, a-t-elle été
introduite tardivement ?
En 1801, le maire de Cervioni écrit : « un patto forma una bacinata
e mezzo » (ELE).
En 1837-1839, à trois reprises, le juge de paix de Cervioni évalue
le pattu à 500 m² : « 90 ares environ faisant 18 pats
» (JUS).
Avec la vulgarisation du système métrique, le palmu
étant compté 25 cm, le pattu vaudra 625 m².
4. La ghjurnata di vigna est l’étendue
de vignoble piochée par un homme en une journée. Elle est le tiers
de la bacinata d’après NOB).
CAS établit ainsi la ghjurnata : 1 are en bonne terre, 1,5 en terre
médiocre, plus de 2 en terre mauvaise.
En 1801 (ELE) le maire de San Ghjuglianu dit qu’un pattu
vaut 2,5 ghjurnate, d’où une ghjurnata
de 2,45 ares.
En 1837 (JUS), le juge de paix de Cervioni compte la ghjurnata
à 2,40 ares.
Dans une expertise de 1861, il faut 81 ghjurnate pour
piocher 2 ha de vigne, ce qui fait 2,47 ares la ghjurnata.
1. Le palmu et la canna en carrés sont communément employés, et cela jusqu’au XXe s. La canna (de 6,25 m² aux XIXe et XXe s.) sert pour mesurer les planches, les crépis des maisons, les murs, l’estimation faisant intervenir, en plus, l’épaisseur.
Une canna de lauze permet la construction
de 3 m² de toiture. Dans un devis pour une toiture les teghje
sont évaluées en canne, palmi et palmetti.
En 1851, à Cervioni, une canna de pierres correspond
à 36 some.
2. Dans une expertise faite en 1813, un terrain
mesure 1395 palmi guadrati ou 27 piedi
45/50. Dans cette mesure où le palmu est de 25 cm, le
pede vaut 3,125 m².
Cette correspondance est confirmée dans une expertise faite à Cervioni
vers 1863 où apparaît un « pied corse » et un pede corsu semplice
qui est sa moitié. On lit en effet :
a. 319,88 m² = 102 pieds corses. D’où 1 pied corse = 3,13 m².
b. 319 metri guadrati 88c o sia 204 piedi corsi semplici. D’où 1 pede
semplice = 1,568 m².
En 1864, Domenico Peretti, 85 ans, atteste avoir fait, sa vie durant, de nombreuses expertises et utilisé comme mesure pour sols de maisons et jardin le piede (misura usata in Cervione), rectangle de 50 palmi sur 32 cm, soit une valeur de 4 m². Il s’agit là du piede di rè. En effet, en 1861, le même Peretti accompagné de Matteu Frediani, experts désignés par le juge de paix, avaient évalué un sol de maison à palmi 3520 che fanno piedi di rè 53.
Dans le système de mesures pour les matières sèches
(céréales, châtaignes, haricots, fèves, noix, amandes, lupins, olives,
sel, chaux, charbon...) régnait la plus grande confusion malgré l’existence
d’un instrument de mesure de base, généralement de forme cylindrique
: u bacinu. « Le Bazin est la mesure ordinaire de toute
l’Isle, mais plus ou moins grande suivant les différents Païs ou Juridictions
» (Histoire de l’isle de Corse, Nancy 1768).
Très tôt la République de Gênes tenta une codification et l’introduction
de ses propres mesures, tout au moins dans les villes qu’elle contrôlait.
Cela ne fit qu’augmenter la confusion. On vit apparaître le bacino
maggiore et le bacino minore,
les mesures all’antica et les mesures riformate. D’ailleurs
l’Office de Corse prend des décisions contradictoires. En 1583, les
mesure génoises sont imposées car il faut que les sudditti vivino
e stiino con la medesima misura e peso del suo Prencipe (LIB
p. 92). L’année suivante, il consent que, dans toute l’île, les poids
et mesures reviennent au solito antico (LIB p. 100).
Autre complication, les mesures faites avec le bacinu sont de deux sortes :
- à rughja para, ou à stavellu,
ou a raso,
- à rughja tonda, ou a colmo.
Dans le premier cas, la capacité du bacinu
s’arrête au bord supérieur. La rasatura s’obtient sur
l’aire avec un stavellu du joug, ailleurs avec une quelconque
règle droite.
Dans le second cas, on met dans le bacinu autant de
matière qu’il peut en contenir, celle-ci formant un cône renversé
au-dessus du bord supérieur. Généralement les mesures étaient « combles
», sauf pour les céréales, mais cela n’était pas une règle.
La République de Gênes encouragea les communautés à importer des bacini
en bronze, bien entendu a spese del Comune.
Les mesures en bois devaient avoir le bord supérieur cerclé de fer.
Elles étaient contrôlées par les vérificateurs aux frais des propriétaires.
Le manque de gratuité fut un obstacle à l’unification.
Dans les relations commerciales entre individus, les mesures étaient
faites avec le bacinu du vendeur. Dans un acte de 1535
du notaire Santulino du Campulori (Arch. dép.) il est précisé que
le blé a été mesuré a lu bacino di Agustino... a la
rugia tonda.
Dans les « Statuti, Capituli et Ordinazione » que les Corses avaient
fait approuver en 1468 Galeazzo Sforza, duc de Milan, on lit : che
lo bacino di terra comune sia tutto ad una misura, et sia
a lo bacino antico di messer Joanni, reserbato la Balagna (Hist. de
FILIPPINI, t.II, appendice I, p. XVI, par GREGORJ).
Aux XIXe et XXe s. le mot bacinu fut conservé pour désigner
le décalitre.
Le 25.12.1835, le Conseil municipal de Cervioni vote une somme de
10F pour la confection d’un décalitre et d’un demi-décalite, « le
boisseau et le demi-boisseau étant supprimés par l’arrêté de Préfecture
du 14.6.1834 ».
1. Le bacinu est donc l’unité
principale de mesure des capacités pour les matières sèches. Des recherches
pour traduire sa contenance en litres ont donné des résultats très
différents selon les régions ou les auteurs :
Aiacciu : 9,145 l (NOB, ROB, MAU, FOR).
Bastia : 8,4473 l (NOB), 7,397 (MAU, FOR).
Corti : 7,9419 l (NOB).
Sartè : 10,0233 (NOB, MAU).
Bonifaziu : 9,045 l (MAU, FOR).
Vivariu : 13,06 (ROB). Pour établir son calcul, ROBIQUET utilise l’indication
selon laquelle un bacinu pesait 30 livres de Gênes et
prend 0,75 comme densité du blé. En 1835, la douane de Cervioni saisit
14,08 hl de blé froment pesant 1141 kg, ce qui donne 0,81 pour densité
(JUS).
CAS dit que le blé pèse 11,5 livres de marc à Calvi, Balagna, 12,5
à Bastia, Aleria, Corti, Capicorsu et Nebbiu, 14 à Aiacciu, 19 à Vicu
et Sartè. En utilisant 0,81 comme densité, on a les contenances suivantes
: 6,95 l - 7,55 - 8,46 - 11,48.
A San Ghjuglianu en 1801 (ELE), le maire dit que le bacinu
pèse 18 livres de Gênes, ce qui ferait une contenance de 7,25 l.
Pour le maire de Cervioni, à la même date (ELE), le bacinu pèse 20
livres de Gênes ou 14 ,5 de France, ce qui ferait 8 l et 8,76 l.
Toujours à Cervioni, en 1840 (JUS), le juge de paix évalue à 9 kg
un « bagin » et demi de blé, ce qui fait le bacinu à
7,4 l.
Pour le sel, il semble que l’on ait adopté assez tôt la pesée. En
1659, les autorités génoises établissent la correspondance suivante
(LIB p.402) : 20 bacini de sel = 453 libbre.
En prenant 2,17 pour densité, on a un bacinu de 3,4
l.
2. Le mezinu = 6 bacini.
3. Le staru ou staiu
= 12 bacini (JAU, JUS, MAU).
Au Campulori, le staru était aussi appelé soma
(ELE). Dans le Capicorsu, le stajo devait valoir 87
à 88 l (MAR). En Toscane, un staio de blé valait 24
l.
4. La mina ou mena.
CAV, utilisant les « Tavole di ragguaglio dei pesi e delle misure
in uso nelle varie Provincie del Regno » (Roma 1877), donne 29,13295
l pour le contenu de secchia de La Spezia et précise
qu’elle était la quatrième partie de la mina genovese.
Celle-ci valait donc 116,5318 l. Elle était divisée en qurtini,
staja, quarte et gombette (96 dans
une mina).
En 1581, après que les autorités génoises aient voulu imposer des
unités inférieures à celle utilisées en Corse, la mina
de blé était comptée 16 bacini.
En 1659 ou 1660, les mêmes autorités faisaient correspondre la mina
de sel à 20 bacini de 22 libbre 7
once, ce qui donne une mina de 70 l. Les
unités pour le sel étaient plus petites que celles pour les céréales.
Cela est confirmé par la correspondance des Agents de France à Gênes
(in BSSHNC). En 1737, la mina de sel pesait 450 livres
de Gênes à Aiacciu et 312 à Bastia, ce qui donne environ 67,7 l et
46,9 l.
En 1730, d’après le gouverneur Felice Pinelli (« Relazione dei tumulti
di Corsica… », Santelli ed., Bastia 1854, p.44), il fallait 14 à 15
bacini de Corse pour faire une mina de
Gênes.
En 1759, JAU écrit : « La mine est omposée de 14 bazins et le star
de 12 ».
MAU donne à la mina une contenance de 15 bacini
et une valeur de 110,955 l.
MAR. D’ap. ROB, prende en compte le même nombre de bacini,
mais une valeur de 108,545 l.
Noté : un spurtellu de castagne, una cofa di calcina spinta, una lenzulata
di paglia, una barcata di petre, una saccata di sugu, un ditale di
grana (de ver à soie).
5. « M’accintolono l’altr’anno un pollone
« Ch’era lo meglio di quanti n’avea :
« Era assatoghju, e pieno un capparone
« Ogn’anno di castagne ci cogliea ». (« Ottave giocose » di prete
Guglielmo ANGELI delle Piazzole d’Orezza, publiées par Regolo CARLOTTI
in « Trè novelle morali tratte dalla storia patria », tip. Fabiani,
Bastia 1835). Carlotti dit que le capperone était un
gobelet fait de deux feuilles de lapazzo (rumex, patience,
appelé aussi romice) contenant trois manciate
de châtaignes fraîches.
1. Le boccale,
appelé parfois pinta, ou amola.
La pinta italienne valait enviorn un litre (PET). La
pinte de Paris mesurait 0,93 l.
Au Campulori en 1801 (ELE), le boccale de vin pesait
4 livres de Gênes, soit une capacité d’env. 1,3 l. Le boccale
d’huile pesait 8 livres, soit une capacité de 2,84 l (densité 0,92).
La correspondance en poids, donnée en chiffres ronds par le maire
de San Ghjuglianu, ne peut être qu’approximative.
La valeur du boccale de vin qu système général donné
par FOR est 1,29631 l, donc comme à San Ghjuglianu.
Des systèmes particuliers donnent les valeurs suivantes :
- Pour le vin : Bastia 1,302 l (ROB, MAU, FOR), 1,321
(NOB). Aiacciu 1,56 (MAU, FOR). Bunifaziu 1,513 (ROB, FOR). Corti
1,389 (NOB, ROB, MAUR, FOR). Sartè 1,18 (ROB, FOR), 1,0018 (NOB).
- Pour l’huile : Bastia 3,72 (NOB, MAU, FOR). Bunifaziu 2,212 (MAU,
FOR). Calvi 1,535 (FOR). Corti 4,744 (NOB, MAU, FOR). Sartè (MAU,
FOR), 4,0072 (NOB).
Dans les comptes de la Certosa di Pisa (Ms) pour les revenus encaissés en Corse dans la seconde moitié du XVIIIe s., on distingue les boccali « alla Corsa » et ceux « alla Pisana », les premiers ayant une contenance double des seconds.
2. Le mezuboccale, ou meza, ou mezetta = moitié du boccale.
3. La querta = quart du boccale.
4. Le fiascu = 2 boccali.
5. La zucca = 9 boccali. En mesure bastiases donnée par (NOB), cela ferait 11,889 l. Après l’adoption du système métrique, la zucca a été comptée 12 l à Bastia (P. VATTELAPESCA : « Versi italiani e corsi ») et au capicorsu (MAR).
Le mot zucchetta est encore utilisé pour désigner l’ustensile d’un dal servant à mesurer le vin.
6. La soma = 54 boccali pour le vin.
A San Ghjuglianu en 1801 (ELE), la soma
de vin valait « per l’avanti » 54 boccali, « ora » 60.
En 1836, le juge de paix de Cervioni comptait la soma
de vin 72 l (il s’agit de la charge de mulet évaluée par un expert).
Le même juge, en 1840, évalue la soma de chaux à 10
dal.
Dans la première moitié de XXe s., la soma de vin était
comptée 60 l à Cervioni et 80 l à l’Oneu, plaine de San Ghjuglianu.
Cette dernière mesure semble la plus répandue : Capicorsu (MAR, qui
la compte aussi 75 l), Olmu,…
A San Ghjuglianu en 1801 (ELE), la soma d’huile valait
80 quarte, soit 20 boccali, env. 57,34
l.
7. Le barile.
En 1765, d’ap. (BOS), l’huile se vend en « barils de 20 pintes et
en pintes de 4 quarterons ; le vin se vend en tonneaux de 12
zuche, la zucha valant 9 grandes bouteilles
de Florence ».
MAR compte 80 l pour le baril de Gênes et précise que celui de Corse
a toujours contenu 144 l. VATTALAPESCA indique aussi que le barile
de vin était de 12 zucche de 12 l.
8. La botte. In « Tariffa dei
Notaj e cancellieri criminali » (20 févr. 1573), la botte corsesca
vaut barili cinque. On trouve cette même corréspondance
dans MAR, ce qui donne la valeur 144 x 5 = 720 l.
La botte de 5 barili servait aussi pour
exporter le poisson de l’étang de Chjurlinu.
9. La mezzarola genovese = 159 l (CAV).
10. Aux premiers temps de la Corse française, l’huile et le vin exportés à Marseille payent une taxe de 20 sols par millerole, unité provençale de 64 l (64,33 à Tunis).
11. A Cervioni, dans le première moitié de XXe s., le lait au détail était vendu en quarti d’un cinquième de litre.
12. En chaudronnerie, le volume d’un plat à tourtes est donné par le nombre d’oeufs devant entrer dans la composition du fiadone.
L’Almanach « dell’Isola di Corsica per l’anno 1789 » publie des tableaux très intéressants donnant les « Rapporti dei Pesi e Misure di Parigi, con quelli di Bastia, e dei Pesi e Misure di Bastia, con quelli di Parigi ». Malheureusement, ces tableaux contiennent de nombreuses erreurs d’impression et de calcul. En essayant de réparer ces erreurs et en utilisant la conversion des anciennes mesures en nouvelles donnée par le Bureau des Longitudes, on obtient les résultats suivants :
- La libbra vaut 10 onces 5 gros 36 grains, soit
326,968 g.
- Le cantaru de 150 libbre vaut 49,045 kg.
- Le palmu vaut 9 pouces 2 lignes, soit
24,81 cm.
- La mazza, dite mezacanna, de 4 palmi
vaut 99,3 cm.
- La bacinata vaut 7,14 verges pour les
bonnes terres soit 3,014 ares, 9,33 pour les médiocres soit 3,94 ares,
10, 83 pour les mauvaises soit 4,57 ares.
- La mezinata vaut 6 bacinate.
- La ghjurnata di vigna est le tiers de la bacinata.
- Des calculs permettent les conclusions suivantes :
- Le boisseau de blé pèse 10,192 kg.
- La densité est 0,8046.
- Le bacinu pèse 5795 g.
- Il vaut donc 7,2 l.
Ces calculs amènent à trouver une valeur de 325,69 g pour la libbra
de Bastia, alors qu’elle est de 326,968 dans le premier tableau.
- Le staju vaut 2 mezini de 6 bacini
chacun.
Pour le vin,
- Le boccale vaut 1,294 litre.
- La zucca de 9 boccali vaut 11,633 l.
- Le barile = 12,438 zucche = 144,69 l.
Pour l’huile,
- La pinta vaut 3,70 l.
- La quarta vaut 0,925 l.
Les trois lettres majuscules placées devant chaque titres servent dans le texte pour indiquer les références.
BOS. James BOSWELL : « Relation de l’île de Corse… » trad. Du Bois, La Haye 1769, pp. 130,131.
CAS. Chanoine CASANOVA : « Histoire de l’Eglise corse », t.IV, « L’Eglise sous l’ancien régime », Imp. Moderne, Bastia 1939, pp. 20,21.
CAV. Germano CAVALLI : « Le antiche misure in uso in Lunigiana prima dell’ introduzione del sisteme metrico decimale », in « Studi Lunigianesi », vol.III. Anno 3, 1973, pp. 99-146.
ELE. Elenco di dimande fatte dal prefetto del
Golo alli Sotto-Prefetti, Maires, e Giudici di Pace del detto Dipartimento
sulla Statistica (1801), Communes de Cervione, San Giuliano et Valle
di Cervione.
Arch. Dép. 13 M2. Des questionnaires existent pour d’autres communes
et pourraient ajouter beaucoup à cette étude.
FOR. J. FORIEN de ROCHESNARD et F. Lavagne : « Poids et mesures de Corse » in « U Muntese », Nu 121, marzu-aprile 1968, pp. 75-79.
JAU. JAUSSIN : « Mémoires historiques, militaires et politiques… », Lausanne 1759, t.II, liv. V, pp. 406 et 541.
JUS. Archives de la justice de paix de Cervioni.
LIB. LIBRO ROSSO DI CORSICA, in Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de la Corse, fasc. 119-120, 139-140, 167-168, 206-208.
MAR. Marien MARTINI : « Aspects de l’activité agricole et maritime de la Corse à la période de la navigation à voile », recueil des parties d’une étude publiée au BSSHNC, fasc. 577-589, de 1965 à 1969.
MAU. Francis MAURE : « Monnaies, poids et mesures en usage en Corse du XVIe au XVIIIe s. », in « Corse Historique », IIe année, n°4, nov. 1953 pp. 37-42.
NOB. « Tavole di ragguaglio per le misure, i pesi e monete moderne e antiche » (trascrite dal Pellegrino, consigliere NOBILI, Vice-Presidente Reggio, tip, Torregiana e Compagnia, 1829). « U Muntese », Nu 52, ott. 1959.
PET. P. PETROCCHI : « Piccolo dizionario della lingua italiana ».
ROB. Félix ROBIQUET : « Recherches historiques et statistiques sur la Corse », 1835, p. 483.