THEODORE DE NEUHOFF

ROI DE CORSE

 

Théodore, baron de Neuhoff écrit dans son testament politique : " je vins au monde… au mois de janvier 1690 ".
Selon son biographe André Le Glay il serait né dans la nuit du 24 au 25 août 1694 à Cologne (Westphalie).
Son père, Léopold de Neuhoff, de famille noble, était capitaine des gardes de l’évêque de Munster. Ayant épousé la fille d’un marchand il fut disgracié et dut se retirer en France. Pris sous la protection de la duchesse d’Orléans il obtint le commandement d’un fort à Metz.
Théodore avait un frère, Henry Guillaume et une sœur Margherite. A la morte de leur mère, en 1695, les trois orphelins, protégés de la duchesse d’Orléans reçoivent une éducation en France.
Page chez la duchesse jusqu’à 17 ans, Théodore en sort avec le grade de lieutenant au service de la France Peu après, il rentre en Allemagne, à Cologne, chez son oncle le baron de Drost.
En 1714 et 1715 Théodore commande un régiment d’infanterie de l’empereur Maximilien de Bavière.
En 1717, il participe au siège de Belgrade contre les Turcs.
A la suite d’un duel avec un de ses supérieurs qu’il blesse d’un coup de pistolet, Théodore part pour l’Espagne pour se mette, en 1718 au service du roi comme colonel des dragons. " Songeant plutôt à chercher gloire et fortune ", comme il l’écrira lui-même, il renoncera au mariage.
D’Espagne il est envoyé en Angleterre pour fomenter la guerre civile dans le but de rétablir les Stuart sur le trône. Après quelques voyages ses intrigues sont découvertes, il doit mettre fin à sa mission et rentrer à Madrid, fin décembre 1718, où il sera chargé de missions diplomatiques dans divers pays d’Europe.
Il allait demander la vice-royauté du Mexique lorsqu’il fait connaissance du chanoine Erasimu Orticoni, envoyé à Madrid solliciter, pour la Corse en révolte contre Gênes, aide et protection de la Cour espagnole.
Orticoni fait comprendre à Théodore que les Corses sont prêts à lui offrir le titre de roi s’il consent à se mettre à leur tête. Théodore promet d’accepter " le jour où il verrait quelque moyen de le faire avec succès ".
En 1733, après le départ des troupes allemandes de l’île, Théodore s’entretient avec les chefs corses exilés à Livourne (Ceccaldi, Giafferi, Aitelli, Raffaelli) leur promet des secours et décide de " passer en Corse au premier avis qu’il recevrait ".
Après un périple en Méditerranée, en passant par Tripoli, Tunis, Théodore débarque sur la plage d’Aleria le 20 mars 1736. Du navire anglais qui l’amène, le baron fait débarquer des canons, des fusils, des équipements et même de l’argent.
Il écrit aussitôt aux chefs corses pour leur annoncer son arrivée :
" Je suis ici pour vous aider, pour aider le royaume de tout mon pouvoir et pour me consacrer moi-même à vos intérêts. Ma promesse de faire tout le nécessaire pour libérer la Corse de l’esclavage génois, je la remplirai scrupuleusement pourvu que de votre côté vous fassiez votre devoir envers moi. Je ne veux et ne demande qu’une chose : que vous me choisissiez pour Roi et me permettiez d’accorder la liberté  de conscience à tous ceux qui voudront venir d’autres pays habiter en Corse afin d’en accroître la population. "
Le 23 mars, les chefs corses se rendent à Aleria. Le 29 mars, à midi, Théodore arrive à Cervioni au milieu des vivats et décharges de mousqueterie de la population rassemblée sur la place de la cathédrale, il est installé au palis épiscopal laissé vacant par le départ de l’évêque. Le séminaire (actuel musée) sert de casernement aux hommes de sa garde.
Le 13 avril, une consulte assemblée au couvent d’Alisgiani accepte Théodore comme roi et rédige la Constitution qui doit le lier aux Corse ainsi que les lois et conventions qui régiront le royaume.
Le 15 avril plusieurs milliers de personnes sont rassemblées au couvent d’Alisgiani où Théodore est élu et sacré roi à l’unanimité. Le Roi et son peuple font serment d’observer la nouvelle constitution.

 

La constitution d’Alisgiani.

1736, 15 avril

Au nom et à la gloire de la très Sainte Trinité : Père Fils et Saint-Esprit, de la Vierge Immaculée protectrice de ce Royaume, et de Sainte Dévote Son avocate. Aujourd’hui dimanche 15 avril de l’année 1736. Le Royaume de Corse s’étant réuni en une Assemblée générale, légitimement ordonnée par son Excellence le général de Paoli et Don Luigi Giafferi dans la localité d’Alesani.

Après une discussion longue et réfléchie avec les principaux patriciens du Royaume, toutes les populations ont délibérément décidé, de même qu’elles décident délibérément de se choisir un Roi et de vivre sous son autorité, de proclamer et d’accepter, le sieur Théodore Baron Libre de Neuhoff aux pouvoirs conventions et conditions suivante, lesquels devront être acceptées par le dit sieur Baron qui ne sera ni ne pourra prétendre être Roi tant qu’il n’a accepté les dites conventions et conditions et juré de les respecter en signant de sa propre main et authentifiant de son propre sceau le présent écrit qui les stipule sous forme de contrat afin qu’il ait en tout sa pleine et opportune stabilité et exécution.

  1. Il est donc convenu et établi que le nouveau Souverain et Roi de ce Royaume soit le prénommé Excellentissime sieur Théodore Baron Libre de Neuhoff, et après lui ses descendants mâles… et à défaut de mâles les femmes de sa descendance, pourvu que ceux qui seront admis à la Couronne et à l’Autorité soient Catholiques Romains et résident toujours dans le Royaume comme devra u résider le prénommé Baron.
  2. Que, à défaut de succession personnelle le précite Baron puisse de son vivant désigner un successeur de sa parenté, homme ou femme, pourvu qu’il soit catholique Romain et réside dans le royaume.
  3. Que, en cas d’interruption de la lignée, tant masculine que féminine du dit sieur Baron ou de son successeur, nommé comme ci-dessus, le royaume demeure libre et les peuples aient la possibilité de choisir leur souverain ou vivre librement ou comme il leur plaira.
  4. Que, le Roi, le sieur Baron, aussi bien que ses successeurs aient et jouissent de toute l’autorité royale et de tous les droits royaux avec la restriction et l’exclusion de ce qui est prévu dans les articles suivants.
  5. Que, à cette fin, soit établie et élue dans le Royaume une Diète, composée de vingt-quatre personnes des plus distinguées par leur mérite, soit seize pour le Deçà de Monts et huit pour le delà des Monts. Trois personnes de cette même Diète, soit deux pour le Deçà des Monts, et une pour le Delà des Monts, devront toujours résider à la Cour du Souverain lequel ne pourra prendre aucune décision sans le consentement de la dite Diète, ni au sujet des taxes d’imposition ni au sujet des décisions de guerre.
  6. Que le pouvoir de la dite Diète soit de prendre avec le Roi toutes les dispositions concernant la guerre ou les taxes d’impositions et, en outre, qu’elle ait la faculté de désigner les lieux qui lui paraîtront les plus appropriés pour l’embarquement des produits et marchandises, des Nationaux et qu’elle ai réellement la liberté de se réunir en toutes circonstances dans le ou les lieux qui lui paraîtront les plus convenables.
  7. Que toutes les dignités, charges et offices à attribuer dans le royaume soient réservés aux seuls Corses à l’exclusion perpétuelle d’un étranger quel qu’il soit.
  8. Que, lorsque le gouvernement sera établi, les génois seront chassés, le royaume sera en paix, toutes les troupes devront être des milices corses à l’exception de la garde du Roi qui pourra engager des Corses ou des étrangers selon sa volonté.
  9. Que, pour le moment et tant que durera la guerre avec les génois, le Roi pourra engager et se servir de troupes et milices étrangères pourvu qu’elles ne dépassent pas le nombre de 1200 qui pourra néanmoins être augmenté par le Roi avec le consentement de la Diète du Royaume.
  10. Que ne puisse séjourner ou habiter dans le Royaume aucun Génois de quelque qualité ou état qu’il soit et que le Roi ne puisse permettre à aucun Génois de séjourner dans le Royaume.
  11. Que les produits et marchandises des Nationaux, à exporter ou à transporter d’un lieu à un autre ou d’un port à un autre du Royaume, ne subissent aucune taxe ou imposition.
  12. Que, tous les biens des Génois et des rebelles à la Patrie du Royaume, y compris les Grecs, soient et demeurent confisqués et séquestrés sauf pour des raisons qui prétendraient différemment en prouvant le contraire par des documents. Il est entendu que ne seront pas confisqués les biens dont jouirait un Corse pourvu qu’il ne paie aucune redevance ou taxe à la république de Gênes ou à des Génois.
  13. Que la contribution ou imposition annuelle payée par les Corses ne doit excéder trois livres par chef de famille et que soient abolies les demi-tailles habituellement payées par les veuves et les orphelins jusqu’à 14 ans ; au-dessus de cet âge ceux-ci devront être imposés comme les autres.
  14. Que le sel à fournir par le Roi au peuple ne puisse dépasser le prix de 2 seini soit 13 sous et 4 deniers le boisseau qui sera de 22 livres de poids en cours dans le Royaume.
  15. Que soit érigée dans le Royaume, en un lieu à choisir par le Roi et la Diète, une Université publique des sciences et des arts libéraux et que soit fixée par le Roi, de concert avec la Diète, la somme suffisante pour l’entretien de cette Université par les voies et moyens qu’ils jugeront les plus appropriés et que soit une obligation pour le Roi de faire en sorte que cette université jouisse de tous les privilèges dont jouissent les autres Universités d’Europe.
  16. Que soit rapidement décidé et institué par le Roi un ordre de véritable noblesse pour la renommée du Royaume et des nationaux honorables.
  17. Tels sont les articles qui, le 15 avril 1736, furent rédigés et présentés par le Royaume au Roi qui les a approuvés sous serment et signés, et il fut proclamé et élu à la Couronne du Royaume auquel il a solennellement juré fidélité et obéissance.

 

Durant la deuxième quinzaine d’avril 1736, Théodore est installé à Cervioni. Il accorde une amnistie générale, forme un gouvernement, fait publier des édits concernant l’administration et la justice et organise une armée de milices régulières chargées de soumette le Delà des Monts.
Le 27 avril, le roi se rend à Venzulasca pour prendre la direction de l’armée qui assiégera San Pelegrinu, Bastia, Aiacciu.
Début mai il fonde un Hôtel des Monnaies (la zecca) à Ornetu de Tavagna, où seront frappées des pièces de cuivre portant les lettre T.R. (Theodorus Rex).
A la mi mai, Théodore confisque les biens des Corses pro-génois au profit du Trésor Royal.
Fin mai, les troupes royales occupent le Nebbiu et en même temps attaquent Bastia et San Fiurenzu.
Début juin, les Génois sont déclarés " à jamais bannis de Corse ".
A la tête de son armée, Théodore entre en Balagne pour attaquer Calinzana et Algaiola, mais sans succès. A la fin du mois il se rend à Corti
Le 30 juin 1736, l’Hôtel des Monnaies d’Ornetu est transféré au couvent de Tavagna où ne tardent pas a être frappées les premières pièces d’argent.
Début juillet des armes arrivent de Livourne.
A la demande de Gênes, plusieurs cours européennes interdisent à leurs sujets de fournir assistance et provisions aux Corses.
Le 9 juillet, les troupes Corse s’emparent de Furiani.
Fin juillet le roi revient en Tavagna.
Début août, les troupes corses sont défaites à Isula Rossa.
Mi août Théodore s’installe pour quelques jours au couvent de Verde, (à Linguizzetta), puis se rend à Matra où il reçoit une lettre de quelques uns de ses généraux qui lui demandent de choisir un lieu de résidence fixe et leur laisser le soin de conduire les opérations militaires.
Début septembre, le roi décide de se rendre dans le Delà des Monts. Il passe trois jours à Portivechju puis entre dans Sartè où, le 16, par voie d’un édit il crée un ordre de noblesse et de chevalerie : "  L’Ordre de la Délivrance ".
Le 28 octobre, la population de Sartè prête serment de fidélité au roi.
Le 3 novembre Théodore quitte Sartè et sur les conseils de Sabastianu Costa décide de quitter la Corse pour aller se procurer des secours sur le continent. Il laisse le gouvernement du Royaume au Conseil de régence : Paoli, Giafferi et Ornano.
Le 10 novembre, le roi s’embarque à Sulinzara accompagné de quelques fidèles dont l'avocat Sebastianu Costa.
Le 14 novembre il arrive à Livourne puis il se rend à Florence, Rome, Naples et Amsterdam.
Le 22 décembre 1736, Gênes met à prix la tête de Théodore, pour 2000 écus.
Le 2 janvier 1737, Théodore est à Turin.
Le 21 janvier, les représentants de la Corse réunis en consulte à Corte jurent fidélité au roi et décident de continuer la lutte tandis que les Régents reçoivent une lettre de Théodore dans la laquelle il leur renouvelle sa promesse de libérer le Royaume. Fin janvier Théodore passe quelques jours à Paris.
Le 5 février, quelques munitions parviennent en Corse. Début mars, le roi est à Amsterdam.
Le 8 avril, des munitions parviennent de nouveau en Corse.
Le 17 avril, Théodore est arrêté à Amsterdam pour dettes. Il écrira à l’ambassadeur d’Espagne à La Haye pour lui demander de le cautionner en offrant de céder ses droits sur la Corse au roi des deux Siciles.
Le 7 mai, commandité par des marchands hollandais, Théodore sort de prison.
Le 30 juin, le roi quitte la Hollande sur un navire chargé d’armes et de munitions. Il sera arraisonné par les Espagnols le 6 août à Oran.
Le 19 août, le gouvernement espagnol donne l’ordre de remettre Théodore en liberté en lui rendant son navire.
Le 2 septembre, à hauteur de la Sardaigne, Théodore quitte son navire pour retourner en Hollande sur un navire suédois. Les armes ne sont pas débarquées en Corse.
Le 1er octobre 1737, mort du conseiller de Théodore, le grand Chancelier Sabastianu Costa.
Le 21 octobre, à la nouvelle d’une intervention imminente de la France en Corse, Théodore écrit à ses sujets pour les assurer qu’il est toujours avec eux et promet de leur envoyer des secours suffisants pour résister aux génois.
En novembre, le roi est à Dresde, en Allemagne.
Les 26 et 27 décembre, la Consulte de Corti, présidée par les Régents Giafferi, Paoli et Ornano, confirme la royauté de Théodore et jure de le reconnaître comme seul souverain.
Le 6 janvier 1738, de Corti, les régents diffusent une lettre circulaire pour faire connaître les bienfaits du roi et vanter la sagesse de son gouvernement.
Le 6 février, les troupes françaises arrivent en Corse.
Le 12 février, envoyés par Théodore, Antone Colonna et 14 officiers allemands débarquent au golfe de Valincu d’où ils regagnent Corti pour se mettre à la tête d’une armée de 800 hommes contre les Génois.
Le 19 février, le roi envoie ses instructions et annonce l’arrivée d’artillerie en Corse.
Fin mai, quatre navires affrétés par Théodore, chargés d’armes, de matériel et de marchandises quittent l’île de Texel en Hollande, pour la Corse.
Le 10 août ces navires arrivent à Cagliari.
Le 14 septembre ils jettent l’ancre devant Suraccu près de Portivechju. Théodore envoie des lettres aux chefs corses et demande à entrer dans le port pour débarquer le matériel dont " 27 pièces de campagne, 7000 fusils, 1000 gros mousquets, 2000 pistolet, 24 000 livres de grosse poudre, 100 000 pierres à fusil, 2000 lances et 2000 grenades ".
Le 18 septembre, Théodore est à terre au milieu d’un grand nombre de Corse fidèles et des responsables de la Rocca et du Celavu. Tandis que dans l’île se prépare un soulèvement en faveur du roi.
Les chefs Paoli et Castineta réunissent, à Corti, une petite assemblée pour tenter de s’opposer à ce soulèvement. La population refuse de les écouter.
Le 22 septembre, le lieutenant général de Boissieux menace de l’indignation du roi de France les Corses qui suivraient Théodore. Les chefs de villages sont tenus de l’en informer.
Le 23 septembre les navires de Théodore lèvent l’ancre pour entrer dans Portivechju, mais l’arrivée de la flotte génoise et les vents contraires les obligent à naviguer vers Bonifaziu, puis vers Aiacciu et enfin vers Naples.
Le 1er octobre, la flottille de Théodore fait escale à Portolongone et arrive à Naples le 21 où l’ambassadeur de France intervient pour faire saisir les cargaisons.
Le 31 octobre, de Boissieux commande aux Corses de lui livrer Théodore dans les huit jours s’il débarque dans l’île sous peine d’user de moyens militaires.
Le 3 décembre, le roi est arrêté et emprisonné à Chiaino puis à Gaeta ; le 17 il est conduit à la frontière des Etats Ecclésiastiques.
Le 1er janvier 1739, à la Consulte de Mezana Théodore est toujours reconnu Roi de Corse.
Le 8 janvier, les populations de la Rocca, du Talavu, d’Istria, d’Ornanu, de Cavru, du Celavu et de Cinarca, réunies en Consulte à Santa Maria jurent fidélité au roi de Corse.
Le 16 janvier, en Tavagna, c’est au tour de Ghjacintu Paoli et Luigi Giafferi de jurer fidélité à Théodore.
Le 12 mars, arrivée en Corse de felouques napolitaines avec du ravitaillement et des munitions.
Le 19 avril, Frédéric de Neuhoff, neveu du roi débarque à Alistru. Il est porteur de lettres de son oncle avec des instructions pour occuper Portivechju et Campumoru.
La Corse est occupée par les troupes génoises appuyées par l’armée française, soit environ 10.000 hommes. Les chefs corses sont divisés. Les pievi de Casinca, Ampugnani, Campulori et Corti fournissent des volontaires corses aux français. Frédéric de Neuhoff a du mal à convaincre les Corse à rester fidèles à leur roi et à poursuivre la guerre contre l’occupant.
En janvier 1940, à Venise, Théodore reçoit de l’argent d’un banquier anglais.
En février, on signale Théodore chez son parent, le baron de Drost à Cologne d’où il repart le 29 pour Copenhague.
Le 3 octobre, Frédéric de Neuhoff, neveu du roi, quitte la Corse pour Livourne.
Le 7 janvier, Théodore part de Londres sur le navire anglais Revenger qui arrivera à Livourne le 30, escorté de plusieurs navires britanniques.
Le 1er février, la flotte anglaise ramenant Théodore se présente devant Isula Rossa. Plusieurs chefs corses sont reçus à bord. Un édit du roi accorde le pardon général sauf pour les assassins et quelques parjures dont Ghjacintu Paoli, Erasimu Orticoni et Gregoriu Salvini. Dès que les chefs corses ont débarqués, Théodore s’embarque sur le Folkestone et la flotte anglaise lève l’ancre pour faire le tour de l’île. Le roi veut s’assurer des dispositions de ses sujets.
Dans le golfe de Valincu Théodore envoie le curé de Zicavu et quelques autres pour soulever les villages, puis la flotte contourne l’île pour aller vers la côte orientale.
A la hauteur de l’île de Capraia, deux chaloupes sont envoyées pour demander aux Corses de se soulever contre les génois, mais sans succès.
Le 10 février, le navire Folkestone est seul de retour à Isula Rossa le reste de la flotte n’a pas suivi.
Le 14 février, le navire de Théodore est à Livourne pour demander des secours, puis il revient vers la Corse accompagné d’une escadre anglaise.
Le 28 février, l’escadre est dans le golfe d’Aiacciu où elle attaque un navire espagnol le San Isidore (120 canons) que les marins abandonnent pour regagner la côte à la nage.
Le 1er mars, le roi rencontre Lucca d’Ornanu à la marine de Frassu. Il lui demande de rassembler le plus d’hommes possible pour assiéger Aiacciu et lui permettre de s’emparer de la ville.
Le 4 mars, alors que le siège d’Aiacciu se resserre, des navires anglais arrivent dans le golfe et en repartent avec l’escadre qui accompagne Théodore.
Le navire de Théodore repart à son tour et les Corses déçus lèvent le siège d’Aiacciu.
Le 17 mars 1743 le Folkestone débarque Théodore à l’embouchure de l’Arno (Italie). Le roi ne reviendra plus en Corse.
Le 18 mars, Théodore est à Florence qu’il quittera le 18 avril. Il reste en Toscane mais il changera souvent de résidence pour fuir les sbires que Gênes a mis à ses trousses.
En avril 1744, Théodore est en relation avec la cour de Turin à qui il demande de l’aide pour retourner en Corse. Il a, dit-il, 7000 hommes disponibles et espère obtenir des navires anglais par l’intermédiaire du roi de Sardaigne.
Le 24 juin, à la Consulte générale de Corti, de nombreux Corses renouvellent leur fidélité au roi.
Le 10 octobre 1746, Théodore est reçu à la cour de Turin.
Le 14 octobre, le roi de Sardaigne envoie en Corse un navire chargé de sel et de munitions.
En janvier 1747 le roi est à Florence, démuni et oublié des Corses.
En septembre il quitte la Toscane pour la Wesphalie.
En août 1748, il se rend à Amsterdam.
Fin janvier 1749, le roi part pour Londres où il est emprisonné le 21 décembre de la même année.
Le 22 février 1752, l’écrivain et ministre Horace Walpole lance une souscription en faveur de Théodore dans le journal The World.
Le 24 juin 1755, dans sa prison Théodore signe une cédule en reconnaissance de ses dettes et abandonne " ses Etats " à ses créanciers.
Le 6 décembre 1756, le roi sort de prison, il est hébergé au 5, Little Chapel Street par un certain Larkoszi, fripier hongrois, chez qui il agonise et meurt, le 11, misérablement sur un grabat. Ses obsèques ont lieu le 15 décembre en l’église de Sainte Anne de Soho Square.
Le ministre Horace de Walpole fera graver cette épitaphe sur une pierre scellée sur le mur extérieur de l’église :
Près d’ici est enterré
Théodore, roi de Corse
Qui mourut dans cette paroisse, le 11 décembre 1756 immédiatement après avoir quitté la prison du " Banc du roi "
Par le bénéfice du fait d’insolvabilité.
En conséquence de quoi il enregistra son royaume de Corse pour l’usage de ses créanciers.
Le tombeau, ce grand maître, met au même niveau héros et mendiants, galériens et rois, mais Théodore apprit sa moralité avant que d’être mort ;
Le destin répandit ses leçons sur la tête vivante
Il lui accorda un royaume et lui refusa du pain.
 
Peut-être promis à une honorable carrière militaire ou diplomatique, comme général ou ambassadeur d’un grand souverain, Théodore de Neuhoff a choisi de consacrer son temps et sa vie à œuvrer pour libérer de la domination génoise le petit royaume que les Corses lui avaient offert et auquel il fit réellement don de sa personne.
Etait-il de sang bleu ?
Qu’importe ! Il s’est senti jusqu’à sa mort responsable de la Corse, conscient et respectueux du serment qui le liait à son royaume et à ses sujets.
Il a échoué dans son entreprise, mais comme " la valeur des actions humaines se mesure à l’inspiration qui les fait naître ", Théodore de Neuhoff mérite que la Corse se souvienne de lui.

 

BIBLIOGRAPHIE

Antoine Dominique MONTI. " La grande Révolte des Corses contre Gênes, 1729-1769 ".  ADECEC, Cervioni 1979.

Renée LUCIANI. " Mémoires de Sébastien Costa, grand chancelier du roi Théodore ". 1732-1736. Aix. 1972 et 1975.

Jean-Basptiste NICOLAI. " Vive le roi de Corse ". Editions cyrnos et Méditerranée. Ajaccio 1979.

André Le GLAY " Théodore de Neuhoff, roi de Corse ". Monaco. 1907.

Claude OLIVESI. " Les seize Capitoli de la Constitution d’Alesani du 15 avril 1736 ". ADECEC, Cervioni 1997.

Pascal MARCHETTI. " Une mémoire pour la Corse ". Flammarion. 1980.