- a Ghjurnata
- Petru Mari
- G-C. Rogliano
- G-P. Orsoni
- Rinatu Coti

- retour à l'accueil
Ghjurnata di a lingua corsa 2000

Lingua corsa è Framassuneria



u 5 aostu 2000 in Cervioni
Ghjuvan Claudiu ROGLIANO : " Esse umanistu, massonu è corsu "

Si pò esse Corsu senza esse framassonu, framassonu senza esse Corsu, Corsu senza esse umanistu, umanistu senza esse framassonu.
Purebbi quantunque esiste un puntu cumunu frà isse trè nuzioni è puderiamu imaginà qualchì cumplementarità.
Frà l'una è l'altra si certi di noi sò o tendenu à esse tuttu què à tempu.
Per pruvalla, sgageremu d'ognuna l'elementi chì parenu i più fundamentali.
Da l'idea d'umanisimu, riteneremu quella chì tende u più a rializà a dignità di u spiritu umanu e guidallu versu a cunniscenza. L'essenziale è tandu di scopre a strada per chì ista andatura è pussibile. Ainsi ?, dans la réalité de notre quotidien, faut-il articuler nos actes autour d'une théorie ou d'une doctrine définitivement établie ou, partisan d'une philosophie buissonnière, être chacun de nous une sorte de Don Quichotte de l'espoir en l'Homme ?
" Je ne sais si je serais ce héros, dit l'Homme de la Mancha,
Mais mon cœur serait tranquille
Et les murs s'éclabousseraient de bleu
Parce qu'un malheureux
Brûle encore bien qu'ayant tout brûlé
Brûle encore, même trop, même mal,
Brûle encore, à s'en écarteler
Pour atteindre l'Inaccessible Etoile ".

Mulini ventulaghji o giganti simbolichi, parudia buffa d'ingermatura o d'andatura iniziatica… induve principia a perdizione di u spiritu ? Induve principia questa ?
Malgradu a suffranza, malgradu è rise, malgradu a so disgrazia, u nostru prode cavalieru errante seguita una Stella chì ella hè sicurezza : ghjè u so ideale di ghjustizia è di verità e ista stella, i framassoni a seguitanu dinù.
Sbucciata di l'ombra pagna, simbulu di a realità cutidiana ch'ella chjarisce, ùn nè micca solu lume : hè rivuluzione. Simbulu di l'ochji chì s'aprenu, di a so luce, a sulidarità è un effettu maiò
Per i framassoni, istu termine pò esse accuppiatu à l'idea di a calcina chì salda è petre l'una à l'altra è participeghja a furtificà l'edifiziu ; iste petre chì ci sò cunfidate tempu francatu e porte di u tempiu, chè no stuzicheremu, lavureremu u longu di a nostra vita è ch'un sò altru chè noi stesssu.
La solidarité maçonnique, c'est ce ciment qui relie ces hommes-pierres dans leur quête infinie de rosaces, d'arc-boutants, de flèches vertigineuses qui s'épanouissent ou s'élancent vers la lumière. D'abord symbolique, cette quête devient réelle à mesure que l'apprenti progresse des ténèbres vers une aube puis vers une aurore à travers laquelle il n'aura pas assez de sa vie pour moissonner quelques rayons.
L'umanisimu, è istu viaghju versu u lume ch'ellu seguita in la so cerca di l'ameliurazione di a sorte di l'umanità.
Più chè tutt'opera principiata in u tempiu, questa quì, più chè mai, oghje deve esse prulungata al di fora.
Car au dehors, les états se disloquent ou s'enflamment sur fond de moyen âge tandis que, par milliers, nous fixent des regards d'enfants aux visages de vieillards ; tandis qu'enturbannée, affublée de treillis ou d'œil de verre en bataille, la Bête rôde, sans que trop de monde s'inquiète…
En ces temps d'avant nuit et brouillard où l'histoire, en mal de récidive, retient son souffle, l'émanation de l'humanisme doit être avant tout le cri qui ébranle les esprits confis dans une résignation confortable, pour que s'ouvrent les yeux sur les peuples que les armes déchirent ou qui meurent de silence. Un cri universel qui traverse le mur de la peur et de l'indifférence comme en écho aux voix des Luther King, Djibaou, Gandhi, Lincoln et autres coureurs de mondes meilleurs. Un cri à la fois d'alarme et d'espoir et qui, quale siasi a lingua, s'élève assez fort pour que le monde entier l'entende. Un pollen dispersé sur des terres aux floraisons vénéneuses et où s'étendent les ombres obliques des obscurantismes et des tyrannies.
È forse à istu mumentu di a riflessione ch'ellu si purebbi dumandà s'ellu si hè una relazione stretta frà u fattu d'esse Corsu è l'idea d'umanisimu.
Definiscesi per via d'una lingua, d'una storia, d'una cultura, ghjè forse dà un principiu di risposta.
A dui seculi di quì, Genuva strughjia è so forze à occupà a nostra terra. Un'occupazione di più in più periculosa. L'omu chì nè sbarazzò l'isula avia per nome Paoli.
In u listessu tempu, li dava una muneta, una stamperia, un'università e mille altre cose chì anu cuntribuitu ognuna a rende l'omu più liberu. Ma soprattuttu, li dava una custituzione demucratica. A so rinomina curria da paesi in paesi, sin'à l'America induve ci sò è cità chì oghje portanu u so nome per u fattu chì, per mudellu di a so custituzione, è questa quì chì u Mondu Novu avia sceltu. Pasquale Paoli era Corsu, era umanistu, era framassonu. Omu si piglia a sunnià à ciò ch'ellu averebbi pussutu esse u destinu di ista nazione giovana di quatordeci annate, si un'altra cunquista ùn avia spintu i primi ragi.
U 15 marzu 1768, stanca di a resistenza accanita ch'ella scunfinia, Genuva cedia à u paese vicinu ista terra chì ùn l'avia mai appartenutu.
L'annu dopu, per un bellu mese di maghju, in un locu chjamatu Ponte Novu, era fatta a dimustrazione chì dodeci milla isulani chì difendianu a so patria e una certa idea di a libertà, ùn pudianu ghjunghje a triunfà di quaranti milla suldati sbarcati nant'à e piaghje.
Per noi altri sculari, ista disfatta quì, ùn figurava nant'à nisunu libru di scola.
Par une ironie de cette histoire interdite, ce sont les plus " ignorants " d'entre nous qui nous la firent découvrir. Ceux-là, se réfugiant dans ce qu'ils prenaient pour le passé, risquaient à la sauvette quelque chanson épique ou quelque polyphonie rescapée de l'oubli, honteux de posséder un art de chant unique au monde.
Contrairement à nos maîtres racornis dans le formol de leur savoir, eux ne portaient ni guêtres ni cravate. Illettrés pour la plupart, ils écorchaient le français couramment quand ils se risquaient à le parler. Mais dans leur langue, ils employaient la concordance des temps et allumaient des florilèges de mots, sans même se douter que, pour nous chacune de leurs phrases était incantatoire. Il n'y avait pas de livres car les livres, c'étaient eux et notre histoire, nous l'apprenions à travers leurs chants improvisés.
Suspendus à leurs rimes, nous revivions les péripéties de cette somptueuse défaite qu'on avait pris tant de soin à nous cacher : les troupes du comte de Vaux refermant leur tenaille… les mercenaires autrichiens si disciplinés et si obtus… les canons Gribauval qui tonnent, et " font merveille "… ce pont où, composée de morts, de blessés courant s'entasser sur les morts, une barricade s'élève… Et surtout ! en dessous… cette armée de cadavres qui passe, portée par les remous d'un torrent écarlate…
Eranu subitu state chjuse l'università e a stamperia, distruttu tuttu ciò chì pudia ricurdà i sogni è e speranze d'una nazione appena spannata.
Mais avec leurs vestes de velours décolorées et leurs pantalons rapiécés au cul, charretiers-ménestrels, forgerons d'épopées, bergers de hautes nuits, à travers leurs récits restituaient les fragments d'une vie antérieure qui nous revenait de droit. Et le sang dilué dans les eaux de ce fleuve, parce qu'il était celui de nos pères, aujourd'hui, retrouvait le chemin d'autres veines.
Ces survivants du bout de la mémoire ne revendiquaient rien car on n'avait pas réussi à les amputer de l'essentiel : leur langue, leur culture, leur manière d'être remontait à la nuit des temps.
Ma eranu sempre quì, è u semplice fattu d'esiste ci purtava a misura a distanza chì ci staccava d'una civilizazione chì n'eramu stati spugliati. A imaginà ciò ch'ella pudia esse stata s'ellu ùn era statu interottu u so corsu.
Et toute une génération en mal d'identité observait ces aînés pas assez dépouillés de la leur pour la revendiquer et à travers eux, nous découvrions cette partie de nous qui nous avait été confisquée.
Les incursions barbaresques, la férule des gouverneurs génois, le bagne de Santa Teresia di Gallura et celui de Toulon, la pacification des comtes de Choiseul et de Marbeuf, les colonnes mobiles du général Morand n'avaient rien entamé de nous. Bizarrement, ce fut quand ces siècles de saccages, de massacres, de tortures et de déportation cessèrent que nous cessâmes d'être nous-mêmes.
C'était comme si, pour exister, il fallait à tout prix nous déterminer contre l'adversité, comme si pour ne pas être pas être orphelin de notre âme, nous avions besoin de géhenne. Or, les temps avaient changé et le dernier pays à nous conquérir avait fini par remiser ses mousquets, ses gibets et ses roues à briser les humains.
Mais les bribes de notre histoire jetées ainsi à la volée au hasard d'un chant épique ou d'une polyphonie avaient suffi à dérouiller le mémoire : enfouis comme des graines au fond de l'inconscient atavique, les mots avaient fini par germer. Les échos de ces voix, déjà, faisaient s'élever d'autres voix pour reprendre ces chants et en faire renaître d'autres et d'autres encore. Bientôt, à ceux qui n'avaient pas d'âge, se mêlaient les rimes et les paroles neuves de ceux que l'on composait.
Et les hommes se souvinrent qu'avant de devenir cette terre déshéritée, cette île avait été celle des idées neuves et celle de l'espérance, le berceau de ces hommes qui, avec des années d'avance sur le Siècle des Lumières, en avaient jeté sur le monde les premières lueurs.
Et sur les tessons de la mémoire, crevaient les baudruches de l'histoire travestie. Un autrefois rutilant resplendissant, palpitait, irriguait un avenir fossilisé.
Le chant était de toutes les revendications, de toutes les quêtes et de tous les mirages. Chaque mot était un repère, chaque rime une porte, chaque vers un chemin par où l'on courait retrouver cette terre qui devenait vraiment la nôtre à mesure, qu'on y découvrait un peuple avec son héritage de créativité, d'humour, de croyances, de révoltes, avec ses fantasmes, ses tragédies collectives, ses banalités, ses vices et ses grandeurs…
Et toute une jeunesse qui, jusque là, croyait qu'une grande nation s'était emparée d'une peuplade barbare pour lui apporter la civilisation, découvrait que les barbares possédaient une constitution démocratique, quand la grande nation en était encore à la monarchie de droit divin et que, dès la fin du treizième siècle, il était des femmes qui, chez nous, avaient le droit de vote.
Peut-on alors être Corse et humaniste sans subir, consciemment ou non, l'influence d'un double atavisme : les marques d'une désespérance millénaire qui imprègnent la mémoire collective et font mieux comprendre la désespérance de l'autre, et cette semence jetée au plus profond de nous par ces législateurs, ces bâtisseurs d'espoir, ces humanistes qui inventaient des temps nouveaux ?
Que reste-t-il de cet héritage et comment se concrétise-t-il dans la réalité d'aujourd'hui ?
L'exemple le plus représentatif pourrait être donné par cette mobilisation spontanée d'une communauté toute entière pour porter secours à un peuple dont elle venait de prendre la mesure du désarroi.
C'était justement, à la Saint Jean d'hiver.
En Roumanie, le tyran venait d'être terrassé.
Ista mubilisazione avia principiatu a notte di Natale. Quella induve, secondu è nostre credenze e forze di u male sò in dirotta per via ch'ella hè a sola notte di l'annata induve u diavule è e so legioni anu paura d'una stella.
Nant'à u portu di Bastia, ci era una muntagna di pruvenda, di vestiti, di medicine, di ghjoculi allora chì duttori, infirmiere, camiunori, spinghjifochi, agricultori, s'appruntavanu à imbarcà.
Trois jours plus tard, organisé avec la participation de la Corse entière, le cap mis sur une vallée au fin fond d'un pays livré au chaos, s'étirant sur deux kilomètres, roulait le plus étrange convoi humanitaire jamais imaginé : tanguant sous leur chargement, véhicules tous terrains, fourgons flambant neufs ou camions à bout de souffle composaient une croisade poussive jetée sur une route qui n'en finissait pas.
Girendu u spinu à a festa, isti Corsi si n'eranu andati d'un isula luminosa per un paese di stoppa è di notte.
C'est ainsi qu'ils atteignirent le Giù ; une vallée oubliée au fond d'un pays perdu où seule une route s'égare.
Et c'est dans une ville appelée Petrosani au terme d'un voyage au bout de la misère que l'aventure humaine commença pour de bon.
Quella di strani imbasciatori d'un'isula chì, una volta di più, era quella di e generosità, di i diritti di l'omu… e di l'umanisimu !
Car était-ce seulement du contenu de nos camions qu'avaient besoin les habitants de cette vallée ? A leur enthousiasme, à leur impatience de nous approcher, de nous parler, nous mesurions la profondeur de l'abîme intérieur au fond duquel vingt cinq années de tyrannie faisaient croupir leur esprit. Ils nous pressaient de questions sur cet ailleurs interdit d'où nous venions, sur ces drapeaux sans couleur frappés de figures noires et hautaines qui regardent l'infini…
Et, tandis que nous parlions de démocratie, de suffrage universel, de droits de l'homme, en nous rendant compte comment, pour la première fois ils percevaient ces termes, nous ne tardions pas à découvrir qu'avec les antibiotiques et les boîtes de lait, les manteaux et les couvertures, aux hommes et aux femmes de cette vallée englués dans un régime de terreur, des Corses, torna elli ! venus de tous les points de l'île, appartenant à tous les milieux sociaux, avec leurs défauts, leurs passions, avec la vision du monde que chacun d'eux avait différente et parfois contradictoire, apportaient… qualcosa chì si puderebbi chjamà "un soffiu di libertà".
Sur ces quatre vingt quatorze insulaires, quatre étaient franc-maçons, cinq autres, depuis, le sont devenus, d'autres vont le devenir… Ce voyage profane avait pris soudain des allures d'initiation et de marche à l'Etoile… A se demander si, Corse, Humaniste, Franc-maçon… être l'un des trois, ne serait pas déjà être un peu des deux autres.